(Togo First) - Le secteur minier au Togo reste insuffisamment développé par rapport à tout le potentiel qu’il dégage. En 2022, il représentait 1,15 % du produit intérieur brut et 17,5 % des exportations totales du pays. Malgré son poids relativement faible dans l’économie nationale, il constitue une source importante de revenus pour l’État à travers les taxes et redevances perçues. L’exploitation repose principalement sur le phosphate, le clinker et le calcaire, mais d’autres ressources comme le manganèse, le fer, l’or et la chromite offrent des perspectives intéressantes pour l’avenir.
Quelques chiffres
Le phosphate demeure la ressource minière la plus exploitée au Togo. En 2022, 1.782.665 tonnes de phosphate ont été exportées, générant des revenus de 157,6 milliards de FCFA. Principalement destiné à l’exportation, ce minerai fait l’objet d’un projet de transformation locale en partenariat avec l’Office Chérifien des Phosphates (OCP) pour la production des engrais. Le clinker, essentiel à la fabrication du ciment, est exploité par SCANTOGO et WACEM. 715.928 tonnes ont été exportées en 2022, générant 29,4 milliards de FCFA. Quant au calcaire, exploité par TOGO CARRIÈRE, il a été exporté à hauteur de 140.000 tonnes, pour une valeur de 2,57 milliards de FCFA.
En dehors des ressources traditionnellement exploitées, le Togo dispose de gisements qui restent sous-exploités. Le manganèse, avec une réserve estimée à 13,97 millions de tonnes à Nayega, est au centre d’un partenariat du Togo avec la société britannique Keras Resources. En 2023, la gestion du projet a été confiée à la Société Togolaise de Manganèse (STM), créée par l’État togolais pour assurer l’exploitation et la valorisation de cette ressource. Le fer, la chromite et l’or sont également présents sur le territoire, mais leur exploitation se fait de manière artisanale et à petite échelle. L’exploitation artisanale de l’or représente une activité significative au Togo, notamment dans les régions des Plateaux, de la Kara et Centrale où elle emploie principalement femmes et enfants. Cependant, ce secteur souffre d’un manque de structuration et de statistiques fiables. Une partie importante des exportations d’or, estimées entre 10 et 25 tonnes par an, échappe à tout contrôle officiel en raison de la contrebande transfrontalière. En 2013, l’or représentait 24 % des exportations minières du pays, bien que le Togo n’en soit pas un grand producteur. Cette situation souligne la nécessité de mieux structurer le secteur afin d’assurer une traçabilité et une gestion durable des ressources, indiquent des experts. Le Togo dispose par ailleurs, de gisements de phosphate carboné qui font l’objet d’études pour une exploitation plus efficace.
Contribution économique du secteur
D’après le rapport ITIE 2022, les entreprises minières ont versé au total, 19 milliards de FCFA à l’État, dont 94,18 % (17,8 milliards FCFA) issus des mines et carrières. Les revenus budgétaires du secteur extractif se sont élevés à 15 milliards de FCFA, répartis entre recettes fiscales (86,73 %) et recettes non fiscales (13,27 %). La TVA constitue la principale source de revenus (29,3 %), suivie des droits et taxes douaniers (23,1 %) et de l’impôt sur les sociétés (13,9 %). Le rapport souligne l’engagement du Togo dans la lutte contre la corruption et l'amélioration de la gouvernance.
Cependant, des défis subsistent en matière de transparence et de traçabilité des revenus. Le rapport ITIE couvrant la période sous revue a révélé un écart de 685,46 millions de FCFA non rapproché dans les paiements déclarés par les sociétés extractives, soulignant la nécessité d’un suivi plus rigoureux des recettes minières et des redevances. Des insuffisances persistent également dans la gestion de l’industrie du phosphate par la SNPT, notamment en matière de transparence. Les états financiers audités de la SNPT ne sont pas publiés systématiquement, empêchant une surveillance rigoureuse de ses relations financières avec l’État, a relevé le rapport.
La perception des activités minières par les riverains des zones extractives
Si plusieurs années auparavant, l’extraction minière a été à l’origine de tensions palpables entre sociétés minières et riverains, en cause, des accusations de dégradation du sous-sol, sans contrepartie sensible ni prise en compte suffisante des préoccupations environnementales des seconds, la situation semble depuis quelques mois, avoir sensiblement évolué.
Selon une enquête menée par Afrobaromètre et publiée en 2024, les Togolais vivant dans les zones minières sont généralement moins critiques envers l'extraction des ressources naturelles. Bien que la majorité des citoyens (86 %) souhaite une réglementation gouvernementale plus stricte dans le secteur extractif, ils estiment également que les avantages de l'exploitation minière surpassent les inconvénients, tels que la pollution. De plus, 67 % pensent que les citoyens ordinaires ont leur mot à dire dans les décisions liées à l'exploitation des ressources naturelles, et 60 % estiment que leur communauté reçoit une part équitable des revenus générés.
Cependant, il est important de noter que l'exploitation des ressources naturelles n'apporte pas nécessairement plus d'infrastructures ou de services aux communautés riveraines.
Les défis du secteur minier togolais
L’un des principaux défis du secteur minier réside dans la valorisation locale des ressources. Actuellement, la majorité des matières premières sont exportées sous forme brute, réduisant ainsi les recettes pour l’économie nationale. Des initiatives sont mises en place pour développer la transformation locale des ressources et maximiser leur impact économique. Parmi elles, le partenariat avec l’Office Chérifien des Phosphates (OCP) pour valoriser le phosphate par la production d’engrais sur place. En outre, des efforts sont déployés pour renforcer la production de ciment, en s’appuyant sur l’exploitation du clinker et du calcaire, afin de réduire la dépendance aux importations et d’accroître la valeur ajoutée du secteur minier.
Un autre défi majeur concerne la réorganisation du secteur pour professionnaliser l’exploitation des ressources, notamment l’or et les autres minerais. De fait, une bonne part des ressources générées par ces exploitations artisanales et à petite échelle échapperait au contrôle de l’Etat, créant du coup, un manque à gagner pour la caisse de l’Etat. La mise en place de mécanismes de régulation et de suivi plus stricts permettrait de mieux encadrer l'extraction.
D’un point de vue environnemental, l’exploitation minière soulève des préoccupations. L’application de la taxe écologique, prévue depuis 2008 mais toujours inopérante, reste un enjeu majeur pour limiter l’impact des activités extractives. Par ailleurs, les autorités cherchent à renforcer les obligations des entreprises minières en matière de publication de leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) et de gestion des déchets.
Conscient de ces enjeux, le gouvernement a lancé plusieurs réformes pour améliorer la gouvernance du secteur minier. Entre autres, l’instauration d’un cadastre minier numérique vise à assurer une meilleure gestion des permis d’exploitation et à consolider la transparence.
Dans cette dynamique, le Projet de Développement et de Gouvernance Minière (PDGM) a été mis en œuvre de 2016 à 2021, avec un financement de 15 millions de dollars US accordé par la Banque mondiale. Ce projet visait à renforcer les capacités institutionnelles, à améliorer la traçabilité des paiements du secteur extractif et à favoriser une gestion plus efficace des ressources minières. Parmi ses principaux acquis, la mise en place d’un Système d’administration des titres miniers et de gestion de l’information (SATMGI), l’élaboration d’un guide sur la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) minières, ainsi que la sensibilisation des autorités locales et des acteurs du secteur aux bonnes pratiques de gouvernance et de durabilité environnementale. Le projet a également contribué à renforcer le dialogue entre les sociétés minières et les communautés riveraines, notamment à travers l’implication des autorités locales dans la gestion des conflits miniers.
En optimisant la transformation locale de ses ressources minières, avec en toile de fond une meilleure gouvernance et une exploitation plus respectueuse de l’environnement, le Togo devrait relever le défi de faire de son secteur minier, l’un des plus performants, au service de son développement.