(Togo First) - Face à l’érosion de la production cotonnière et au vieillissement des producteurs, le Togo mise sur une relance ambitieuse de sa filière. Objectif : franchir la barre des 92 500 tonnes dès la prochaine campagne. Mais entre aléas climatiques, manque de main-d’œuvre jeune et concurrence d’autres cultures, le pari reste incertain.
Après deux campagnes en demi-teinte, le Togo veut croire à une relance durable de son « or blanc ». Pour la saison 2024-2025, les cotonculteurs se sont fixé un cap ambitieux : produire 92 500 tonnes de coton graine, soit une hausse de plus de 50 % par rapport à la dernière récolte. Un défi de taille, dans un secteur fragilisé par les parasites, les chocs climatiques et une démobilisation progressive des acteurs.
L’an dernier, la production n’a pas dépassé 60 500 tonnes, malgré une légère amélioration du rendement (797 kg/ha). Et le nombre de producteurs ne cesse de diminuer : seulement 76 000 pour la campagne en cours, contre 111 000 en 2020-2021. « Les producteurs vieillissent, les jeunes désertent. C’est toute la filière qui est en danger », alerte Koussouwè Kourouféi, président de la Fédération nationale des groupements de producteurs de coton (FNGPC).
Pour inverser la tendance, la campagne a démarré plus tôt, afin de profiter d’une fenêtre climatique favorable. Résultat : 118 000 hectares sont déjà emblavés, un record depuis cinq ans. Mais la surface seule ne suffira pas. Les autorités misent aussi sur un plan de relance musclé : formation de 120 000 producteurs, extension de l’irrigation, soutien à la mécanisation et introduction de pratiques d’agriculture régénérative. Des partenariats public-privé sont également en discussion pour soutenir l’effort.
Autre signal fort : le maintien du prix d’achat du coton-graine à 300 FCFA le kilo, malgré les tensions sur les cours mondiaux. Après trois années de baisse, les cotations mondiales ont encore chuté d’environ 14 % en 2024. Une subvention d’intrants est également prévue, comme les années précédentes, pour alléger les coûts des cultivateurs.
Mais les défis structurels restent lourds. Le Togo produit deux fois moins de coton qu’en 2017, quand les volumes dépassaient les 135 000 tonnes. Et la promesse faite après la privatisation de la NSCT – atteindre 200 000 tonnes – semble aujourd’hui hors d’atteinte. Si le Bénin et le Burkina Faso ont réussi à doubler leur production en cinq ans, le Togo peine à enrayer sa chute.
Des vents contraires persistants
Car la relance reste suspendue à plusieurs inconnues. La météo, d’abord. Le coton reste très dépendant des précipitations, et les épisodes de sécheresse ou de pluie excessive peuvent ruiner les efforts les plus structurés. Les ravageurs, ensuite, continuent de faire des dégâts malgré les campagnes de sensibilisation.
La concurrence des cultures vivrières (maïs, soja, igname) est aussi un défi. Beaucoup de producteurs préfèrent miser sur ces spéculations, jugées plus rentables à court terme et moins risquées. « Le coton paie moins, demande plus de travail et les paiements tardent souvent. Ce n’est plus motivant », confiait un jeune agriculteur de la région centrale lors d’un FOPAT.
Et surtout, le soja dont la culture s’impose de plus en plus, portée par une demande internationale soutenue et par la montée en charge des unités de transformation locales, qui offrent désormais des débouchés jugés plus stables et rémunérateurs.
Enfin, la gouvernance du secteur pose question. Si Olam reste discret sur ses engagements à long terme, des voix s’interrogent sur la stratégie industrielle et les investissements réels dans la transformation locale. Le rêve d’un coton togolais mieux valorisé, avec une chaîne complète allant du champ à l’exportation de textile, reste à concrétiser. Même si les promesses portées par la PIA, avec le lancement des premières usines textiles au début de ce mois, viennent raviver l’espoir d’une véritable intégration locale de la filière. Ce tournant industriel, encore embryonnaire, devra prouver sa capacité à absorber durablement la production nationale et à créer une valeur ajoutée locale compétitive.
Au-delà de tout, c’est toute l’attractivité du coton qui est en jeu. Moins rentable que le soja ou le maïs, jugé pénible et incertain, le coton n’attire plus les jeunes. « Il faut repenser le modèle, sinon on court à l’impasse », glisse un cadre agricole.
Le pari des 92 500 tonnes peut-il être tenu ? Tout dépendra des pluies, de la mobilisation des producteurs et de la capacité du système à se réinventer. Car derrière l’objectif de production, c’est l’avenir même de la filière et des planteurs qui se joue.
Fiacre E. Kakpo