Togo : à Afito, un compromis entre les populations et les hippopotames

Agro
samedi, 08 octobre 2022 07:45
Togo : à Afito, un compromis entre les populations et les hippopotames

(Togo First) - Il sonne presque neuf heures lorsque le minibus s’arrête au bout de la piste rurale fortement dégradée, entamée trente minutes plus tôt après une heure et demie d’asphalte. Ce vendredi 30 septembre, le soleil, déjà capricieux les jours précédents, a de nouveau laissé sa place à de gros nuages noirs et un léger vent souffle sur la végétation luxuriante. Sur la vaste place au milieu de laquelle trône l’unique puits érigé au début du siècle, des pirogues renseignent le visiteur, que les regards inquisiteurs des plus petits sondent. 

Nous sommes à Afito, village de pêcheurs et d’agriculteurs de quelque 400 âmes, dans le canton de Sédomé, préfecture de Yoto, près de la frontière naturelle entre le Togo et le Bénin. Ici, tout manque encore, mais au moins depuis quelques temps, “tous les efforts d'une année ne partent plus dans le ventre d'un hippopotame”.   

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Vue partielle de la place du village. Crédit : Togo First 

La mine placide, Kpokpo Koffi, sous-chef de cette communauté où se mêlent l’Adja et le Watchi, deux langues parlées dans la localité, raconte : “Cela n’a jamais été le grand amour entre les agriculteurs et les hippopotames, à cause des dégâts que les seconds causent dans les champs. Avant, rien ici n’était sous contrôle, aussi bien les cours d’eau que les autres espaces. Aujourd’hui, avec les mécanismes qui ont été mis en place et les éco-gardes, c’est nettement mieux”. 

Les éco-gardes, c’est le nom trouvé pour désigner la soixantaine de jeunes hommes et d’adultes, constitués en brigades de patrouilles sur les mares qui cernent le village. Car Afito, c’est aussi un complexe de mares aux hippopotames, intégré à la Réserve de biosphère transfrontalière du Mono reconnue par l’Unicef en 2017. 

Le site, classé par le ministère de l'environnement comme une “zone humide”, est vaste de 544 hectares et comporte 63 villages et hameaux. Surtout, il abrite une biodiversité remarquable, où vivent de nombreuses espèces animales et végétales, dont certaines se font rares. Un tableau idyllique, assombri par les multiples conflits entre les populations et les pachydermes, et la forte dégradation du milieu par les installations physiques (le barrage de Nangbeto notamment pas loin) et humaines (champs, habitations). 

Pour inverser la tendance, le Projet d’investissement de résilience des zones côtières en Afrique de l’Ouest (WACA ResIP), mis en œuvre au Togo de façon conjointe par le gouvernement et la Banque mondiale, a, dans le cadre de ses interventions, mis en place un projet. Objectif, renforcer la gouvernance et la gestion du complexe, tout en appuyant la dynamisation de quelques filières d’activités durables et rentables dans les zones périphériques. 

L’initiative, menée depuis plusieurs années par des ONG locales et la coopération allemande (GiZ), porte sur plusieurs aspects : surveillance, prévention du braconnage, reboisement des espaces, délimitation des aires de conservation, ou encore mise en œuvre d’activités génératrices de revenus pour les populations. 

L’un des axes majeurs de nos interventions est justement d’aider à la conservation des zones humides, qui sont des écosystèmes indispensables”, souligne Yawo Komi, coordonnateur national adjoint du Programme. 

Les activités menées à ce jour, ont ainsi permis de constituer une zone de pâturage pour les hippopotames, construire un mirador pour surveiller la zone, acquérir une barque motorisée pour les patrouilles, et doter les riverains de pirogues et de filets pour des activités de pêche. 

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Zone de pâturage à Afito. Crédit : Togo First 

Nous aménageons chaque année une zone de pâturage de plusieurs hectares pour les hippopotames, ce qui les empêche de s’aventurer vers les plantations ou vers le village”, indique Lolo Amavi, président d’une des associations locales impliquées. 

Toutefois, un mécanisme de gestion de plaintes concernant plusieurs acteurs a été mis en place, afin de dédommager les victimes. "Nous sommes les soldats de ces mares, nous empêchons les torts. Lorsqu'il y a récidive, nous nous adressons aux autorités préfectorales”, explique Kokou, la trentaine, l’un des éco-gardes de permanence ce jour.

Tout ceci est fait dans une approche participative”, précise le n°2 du Programme, rappelant que les activités ont également été dupliquées dans une seconde zone similaire située dans le Bas-Mono, le Lac Elia. 

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Affiche de sensibilisation sur les plaintes. Crédit : Togo First

Exploiter le potentiel touristique du complexe 

Pour la coordination du WACA, il faut aller au-delà de la simple conservation du complexe. Et pour cause, le site, reconnu pour sa biodiversité remarquable, attire de plus en plus ces dernières années, avec l’intégration (en 2017) de la réserve transfrontalière dans le réseau de l’Unesco. 

C’est un site touristique, et nous sommes en train de réaliser des activités pour libérer le potentiel et attirer davantage de touristes”, informe Yawo Komi. 

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Photo d’illustration. Crédit : PPI

Dans cette veine, un mirador, haut d’une dizaine de mètres, a été construit pour faciliter l’observation, et un autre projeté. Pour pallier le “manque cruel d’infrastructures d'accueil”, un centre polyvalent est en construction, et devrait permettre, une fois opérationnelle, de générer des ressources supplémentaires pour les autochtones, et “rentabiliser la ressource qu’ils ont à disposition”. 

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Vue d’une partie d’une mare depuis le mirador. Crédit : Togo First

S’ils sont reconnaissants pour les avancées réalisées, les quelque 400 habitants du village aspirent également à voir au plus-tôt au sein de leur communauté, les infrastructures sociales de base promises par le WACA ResiP. 

Aujourd’hui, beaucoup de choses sont plus organisées c’est vrai, mais nous espérons que les initiatives seront pérennisées, pour que nous puissions offrir une meilleure vie à nos populations”, souffle Koffi Kpokpo. 

Pour l’heure, à Afito, le compromis entre les “bœufs des eaux” et les populations, tient.  

Octave A. Bruce    

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