(Togo First) - A Lomé, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a donné, ce lundi 15 septembre, le coup d’envoi d’un séminaire de sensibilisation destiné aux membres de son Comité de l’Administration et des Finances (CAF). L’événement, organisé par le Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (GIABA), doit durer deux jours. Objectif : renforcer la compréhension stratégique des décideurs budgétaires de la Communauté face aux défis de la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et de la prolifération (LBC/FT/FP).
Une cérémonie d’ouverture solennelle
La séance inaugurale s’est tenue en présence de plusieurs personnalités : Tchaa Bignossi Aquiteme, président de la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF-Togo), le directeur général du GIABA, Edwin W. Harris Jr., Anakpa Essokiza, directeur général du Budget du Togo, ainsi que des représentants de la Commission de la CEDEAO et du bureau régional de l’organisation à Lomé. Dans son allocution, M. Aquiteme a insisté sur « l’importance de la conformité aux normes internationales », une condition, selon lui, pour préserver l’intégrité des systèmes financiers ouest-africains et maintenir la confiance des investisseurs.
Des moyens limités pour le GIABA
Derrière ces discours, un enjeu budgétaire majeur. Depuis 2023, les crises économiques et politiques dans la région ont provoqué une baisse des ressources communautaires, des retards dans le paiement des contributions des États membres et, par conséquent, une réduction du budget du GIABA. Ces contraintes ont affecté la mise en œuvre de ses programmes, notamment l’assistance technique et les évaluations mutuelles. Le séminaire de Lomé vise donc à obtenir un engagement clair du CAF en faveur d’une hausse des allocations budgétaires dès 2026, alors même que le GIABA qui vient de boucler son second cycle d’évaluations, ne dispose plus de moyens nécessaires pour préparer le troisième, prévu dès 2026.
Pour Edwin W. Harris Jr., directeur général du GIABA, l’enjeu est existentiel : « Il s’agit de garantir un financement pérenne pour permettre au GIABA de poursuivre ses missions : soutenir les réformes nationales, renforcer les capacités des États et conduire les évaluations mutuelles ». À Lomé, le message est sans équivoque : sans un engagement budgétaire ferme, la CEDEAO risque d’affaiblir son principal instrument de lutte contre les crimes financiers.
Des menaces en mutation
Le dernier rapport annuel de l’institution, publié en mai, met en lumière la complexité des menaces qui pèsent sur la région : infiltration des économies par les flux financiers illicites, exploitation des circuits commerciaux et bancaires pour financer le terrorisme, émergence des actifs virtuels difficiles à réguler, vulnérabilité persistante des professions non financières comme l’immobilier ou le change.
À ces risques s’ajoute l’instabilité politique. Le retrait annoncé du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la CEDEAO pourrait priver ces pays d’un cadre régional de supervision anti-blanchiment. Le GIABA indique avoir entamé un dialogue avec ces États pour explorer la possibilité d’une adhésion autonome, mais l’incertitude demeure.
Le cas togolais
Pays hôte de la rencontre, le Togo a mis en avant ses propres efforts. Ces dernières années, Lomé a renforcé son cadre juridique et institutionnel, réalisé une évaluation nationale des risques, adopté une stratégie nationale de LBC/FT assortie d’un plan d’action pluriannuel et soumis son dispositif à l’évaluation de ses pairs. Les recommandations issues de cet exercice sont en cours de mise en œuvre, notamment le renforcement des capacités de la CENTIF et la conduite d’évaluations sectorielles spécifiques.
Pour M. Aquiteme, ces avancées traduisent la volonté politique des autorités togolaises, mais elles soulignent aussi le besoin d’une coopération régionale renforcée : « La lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme exige, au-delà des lois, un engagement fort et visible des plus hautes autorités », a-t-il affirmé.
Un séminaire attendu
Au-delà des déclarations, les participants du CAF devront se prononcer sur des engagements concrets. Il est attendu qu’ils reconnaissent le rôle central du GIABA dans la sécurité financière régionale et qu’ils soutiennent durablement ses allocations budgétaires. Les thèmes de travail porteront aussi sur la compréhension de l’environnement des menaces, l’adaptation aux nouvelles technologies financières et la mobilisation collective pour améliorer la conformité.
Une dynamique collective
L’ouverture de ce séminaire marque une étape importante pour la CEDEAO. Face à des menaces transnationales toujours plus sophistiquées, la lutte contre la criminalité financière ne peut se limiter aux frontières nationales. Elle exige une approche collective, des moyens renforcés et une volonté politique partagée. À Lomé, les regards se tournent désormais vers les conclusions attendues le 16 septembre, qui diront si la Communauté est prête à accorder au GIABA les moyens financiers de son ambition.
Fiacre E. Kakpo