(Togo First) - Du 15 au 17 août, la ville de Kpalimé, au sud-ouest du Togo, a accueilli une rencontre consacrée au risque de crédit et aux nouvelles technologies. Baptisé Loft du Week-End – Édition spéciale Risque Crédit & IA, l’événement qui édition cette fois-ci à sa 3e édition a rassemblé des professionnels de la finance, des banquiers et des experts en gestion des risques venus de plusieurs pays africains. Objectif : réfléchir aux meilleures façons d’adapter les pratiques de prévention et de suivi des crédits dans un environnement bancaire en pleine mutation.
Un contexte régional sous tension
Le choix du thème ne doit rien au hasard. Dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), la qualité des portefeuilles de crédit continue de susciter des inquiétudes. Les créances douteuses progressent, tandis que les outils classiques de scoring – bulletins de salaire, garanties foncières, historique bancaire – montrent leurs limites.
Au Togo, le ratio global de solvabilité bancaire (12,2 %) demeure relativement rassurant. Mais selon le FMI, plusieurs établissements restent fragiles et peinent à se conformer pleinement aux exigences prudentielles. La prudence dans l’octroi de nouveaux crédits se traduit par un accès limité au financement, en particulier pour les petites et moyennes entreprises.
C’est dans ce contexte qu’est née l’initiative du Loft du Week-End, organisée avec l’appui de l’AMRAT (Association pour le Management des Risques et des Assurances du Togo).
Trois jours d’échanges intensifs
Le programme, décliné en quatre sessions thématiques et un atelier collaboratif, a offert aux participants une immersion dans les nouveaux outils de gestion des risques.
La première journée a été consacrée à la cartographie des risques, avec un focus sur les crédits bancaires. Les experts ont insisté sur la nécessité d’anticiper les zones à fort impact et de renforcer la vigilance face aux signaux d’alerte. L’après-midi, une session sur la gestion proactive des crédits a permis de travailler à partir d’études de cas concrets, pour matérialiser comment passer d’une logique réactive à une anticipation structurée.
La deuxième journée s’est appesantie sur les évolutions technologiques que connaît le secteur. Une présentation sur les agents conversationnels a permis de montrer comment l’intelligence artificielle pouvait être utilisée pour surveiller les comportements clients, relancer de manière automatisée et capter des signaux faibles. La session suivante, animée par Khalid Kezire, Chief Digital Officer de Bank of Africa Togo, portait sur la synergie entre data, marketing relationnel et IA. A travers cette section, le responsable a montré comment les données transactionnelles, comportementales et digitales – telles que l’usage du mobile money, le paiement régulier de factures ou encore l’activité en ligne – pouvaient venir enrichir le scoring traditionnel et inclure des segments souvent exclus : jeunes entrepreneurs, femmes en ruralité, travailleurs informels.
Un atelier d’intelligence collective a ensuite réuni les participants en groupes mixtes. Objectif : imaginer « le dispositif de gestion du risque de crédit de demain ». Plusieurs idées ont émergé, dont la mise en place de tableaux de bord prédictifs qui intégre des données alternatives, et la création de mécanismes régionaux de partage d’information sur la solvabilité.
La troisième journée, plus légère, a permis de conclure la rencontre par une excursion culturelle au Château Viale et aux cascades de Kpalimé, liant inspiration et échanges informels.
Des experts aux commandes
L’événement a été animé par Khalid Yacoubou-Boukari, spécialiste certifié en gestion des risques, passé par HEC Paris et le COFEB. Auteur reconnu pour sa pédagogie, il a insisté sur l’importance de la détection précoce et du recouvrement structuré. « Plus un problème est identifié tôt, plus il est facile de le résoudre », a-t-il rappelé en citant l’un des principes clés de la gestion proactive des crédits.
Aux côtés des experts togolais, des intervenants venus du Burkina Faso, de Tunisie et d’autres pays africains ont partagé leurs expériences. Ces regards croisés ont permis de comparer les pratiques et de souligner les défis communs : fiabilité des données, formation des équipes et adaptation des régulateurs.
Entre prudence et innovation
Si l’enthousiasme pour l’intelligence artificielle est réel, plusieurs intervenants ont rappelé les limites. L’IA suppose des bases de données robustes et une gouvernance rigoureuse. Elle ne peut se substituer aux règles fondamentales de sélection des clients et de suivi régulier des crédits.
Le défi, selon les organisateurs, est de trouver un équilibre : combiner les méthodes classiques – rigueur dans l’octroi, contrôle des garanties, recouvrement discipliné – et les nouveaux outils numériques pour rendre le système bancaire plus résilient et plus inclusif.
Un rendez-vous appelé à durer
“Au-delà des sessions techniques, le Loft du Week-End a aussi permis d’asseoir un cadre d’échanges informels et de réseautage. Une manière d’ancrer la réflexion dans un climat moins institutionnel que les séminaires traditionnels”, assure Khalid Yacoubou-Boukari.
Pour les participants, cette édition 2025 marque une étape. Dans une région où la gestion du risque de crédit est devenue un enjeu stratégique, Kpalimé aura été le théâtre d’une réflexion collective sur l’avenir du secteur, entre prudence réglementaire et innovation numérique.