(Togo First) - En marge du Forum B2B organisé à Lomé le jeudi 20 novembre 2025, Togo First a échangé avec Aziz El Khyari, directeur du développement des affaires et de la coopération africaine à Casablanca Finance City (CFC). Il revient sur les priorités de l’Africa Tour, l’intérêt croissant des investisseurs marocains pour le Togo et les perspectives ouvertes par ce rapprochement économique, dans l’expansion des entreprises marocaines en Afrique de l’Ouest.
TF : Quel est l’objectif de l’Africa Tour et pourquoi était-il important pour CFC d’organiser une étape à Lomé ?
AEK : L’Africa Tour répond à un besoin d’ancrage territorial. Depuis plusieurs années, nous présentons aux investisseurs internationaux les atouts de l’Afrique depuis Casablanca. Mais pour identifier les opportunités réelles, il est essentiel d’aller sur le terrain, de rencontrer les autorités, les agences de promotion des investissements et les acteurs privés. Cette deuxième édition de l’Africa Tour a été conçue pour renforcer les liens entre CFC et plusieurs économies de la région. Le Togo s’est imposé comme une étape stratégique.

Lomé réunit plusieurs éléments déterminants pour les investisseurs. Le pays a construit un cadre des affaires considéré comme l’un des plus performants de la zone, soutenu par une administration attentive aux besoins des opérateurs économiques. Son port en eau profonde, classé parmi les plus efficaces de la sous-région, joue un rôle important dans la connectivité maritime de la zone CEDEAO. L’aéroport international facilite également l’accès aux marchés régionaux.

L’objectif du forum était d’exposer aux entreprises marocaines les opportunités économiques togolaises et d’expliquer comment elles peuvent s’y projeter. Pour les autorités togolaises, il s’agissait aussi d’ouvrir leurs projets structurants à des partenaires capables d’apporter expertise technique, financement ou accompagnement stratégique. Cette rencontre devait permettre d’engager des discussions concrètes et de dépasser le cadre des échanges institutionnels classiques. L’Africa Tour crée, au final, un dialogue direct entre investisseurs, opérateurs publics et secteur privé.
TF : Comment Casablanca Finance City est-elle devenue une plateforme d’investissement continentale et quels sont les domaines d’action clés de ses membres ?
AEK : Casablanca Finance City est née en 2010 avec la volonté du Maroc de créer un positionnement financier africain fort. Depuis, CFC est devenue la première place financière du continent selon le Global Financial Centres Index. Ce résultat est le fruit d’un écosystème structuré autour de cinq dimensions majeures.
La première dimension est la diversité des entreprises membres. Plus de 250 entités opèrent aujourd’hui à partir de Casablanca, dans des secteurs variés, allant de la finance et des assurances au conseil juridique, à la stratégie, au numérique, à la logistique et aux infrastructures. Cette diversité crée une place résiliente, capable d’accompagner plusieurs types de projets. Les membres interviennent dans 115 pays, dont 50 en Afrique, ce qui leur donne une profondeur opérationnelle unique sur le continent.
La deuxième dimension est l’attractivité du statut CFC. Les entreprises bénéficient d’un cadre réglementaire aligné sur les standards internationaux, d’une fiscalité compétitive, d’une liberté totale de transfert des devises et d’un accompagnement administratif dédié. Les facilités offertes pour les visas, l’installation et la mise en conformité renforcent cette attractivité. Cette architecture a permis d’attirer des entreprises européennes, asiatiques et américaines, renforçant la vocation multipolaire de la place.
La troisième dimension est l’intégration africaine. Le Maroc a intensifié ses relations politiques, économiques et diplomatiques avec l’ensemble du continent, notamment après sa réintégration à l’Union africaine. CFC bénéficie directement de cet environnement, qui renforce son rôle de plateforme de coopération régionale.
La quatrième dimension est la stratégie de partenariats. CFC a noué des accords avec 24 agences africaines de promotion des investissements. Ces partenariats permettent de faciliter l’accès aux opportunités nationales, d’accélérer les démarches d’investissement et d’assurer une présence coordonnée dans plusieurs pays.
Enfin, la cinquième dimension est l’innovation. CFC investit dans la finance durable, la gouvernance et la transformation digitale. Il co-préside le réseau Financial Centres for Sustainability et prendra la présidence de la World Alliance of International Financial Centers en 2025. Cela renforce sa légitimité internationale et permet d’accompagner les entreprises sur les enjeux climatiques, ESG et de finance responsable.
TF : Quels atouts spécifiques du Togo attirent les investisseurs marocains et comment percevez-vous le potentiel du Togo en Afrique de l’Ouest ?
AEK : Le Togo cumule plusieurs leviers qui en font une plateforme attractive pour les investissements régionaux. Son économie est de taille intermédiaire mais stable, soutenue par une série de réformes orientées vers la compétitivité, la transparence et la modernisation administrative. Cela donne au pays un profil favorable pour les investisseurs cherchant un marché dynamique, structuré et ouvert à la coopération internationale.
Les infrastructures logistiques constituent un argument de poids. Le port de Lomé permet une desserte rapide des pays enclavés du Sahel. Le corridor togolais vers le Burkina Faso, le Niger et le Mali renforce cette position. Le pays dispose également de zones industrielles, dont le Parc industriel d’Adétikopé, qui crée des opportunités dans l’agro-industrie, le textile, la logistique et la fabrication.

Pour les investisseurs marocains, le Togo représente un marché où l’on peut déployer des solutions techniques, financières ou industrielles tout en gardant un accès direct à l’ensemble de la région. Les entreprises de CFC disposent de compétences solides en structuration de financements internationaux, en gestion de projets et en appui à la transformation digitale ou infrastructurelle. Une partie du financement de projets togolais peut être portée par ces acteurs.
L’Africa Tour a permis de constater que le Togo offrait un environnement réactif, avec une administration accessible et des besoins définis. Cela répond au besoin des entreprises marocaines d’interagir avec des partenaires capables de porter des projets à court ou moyen terme.
TF : Quels résultats attendez-vous après le forum B2B de Lomé et comment cette dynamique peut-elle évoluer ?
AEK : L’objectif d’un forum n’est pas de conclure des accords immédiats, mais de créer la base d’une relation de travail. La suite passe par des échanges bilatéraux plus précis. Les entreprises présentes devront revenir pour des visites ciblées, des réunions techniques ou des missions sectorielles. Ce sont ces étapes qui permettent de finaliser des partenariats.

Nous attendons que les discussions initiées à Lomé se traduisent par l’identification de projets bancables. Cela peut concerner des secteurs comme l’agro-industrie, l’énergie, les services financiers, le numérique ou les infrastructures sociales. L’important est d’accompagner la maturation des projets et de permettre aux investisseurs de mesurer les besoins, les contraintes et les possibilités de structuration.
Ce forum est un début. Il ouvre la voie à une relation qui peut s’étendre sur plusieurs années.
TF : De quelle manière Casablanca Finance City peut-il accompagner les entreprises togolaises souhaitant se développer à l’international ?
AEK : L’accompagnement fonctionne dans les deux sens. Casablanca Finance City peut servir de base stratégique pour les entreprises togolaises qui souhaitent s’internationaliser. Elles bénéficient d’un guichet unique, d’avantages fiscaux, d’un environnement réglementaire clair et d’un accès facilité aux marchés européens et moyen-orientaux.
Les entreprises togolaises peuvent également tirer parti du réseau CFC, qui regroupe des acteurs financiers, des entreprises de conseil, des institutions multilatérales et des opérateurs sectoriels. Cela leur donne accès à des opportunités de co-investissement, à des partenaires techniques et à des plateformes de financement.
L’objectif, pour nous, est de construire une relation durable où le Togo devient un point d’appui pour les entreprises marocaines en Afrique de l’Ouest, et où Casablanca devient un point d’accès pour les entreprises togolaises vers des marchés extérieurs.
Interview de Ayi Renaud Dossavi