Ports africains : « Une donnée unifiée agit comme un multiplicateur de performance logistique » (Manuel Ntumba)

Logistique
vendredi, 19 décembre 2025 05:24
Ports africains : « Une donnée unifiée agit comme un multiplicateur de performance logistique » (Manuel Ntumba)

(Togo First) - En Afrique, les ports concentrent l’essentiel des échanges commerciaux, mais restent pénalisés par un déficit structurel : des données fragmentées, hétérogènes et difficilement comparables. Une faiblesse qui pèse sur les coûts logistiques, freine l’investissement et complique l’intégration régionale. Pour y répondre, la Banque africaine de développement (BAD) a lancé l’African Ports Connectivity Project (APC-PP), une initiative multilatérale destinée à harmoniser les standards de données portuaires. Un chantier stratégique, selon le jeune Togolais Manuel Ntumba, récemment nommé Project Coordinator et Regional Data Lead du programme.

« Depuis plus de vingt ans, un déficit de gouvernance des données affecte la capacité des ports africains à réduire leurs coûts et à soutenir des modèles de financement plus compétitifs », explique-t-il. Le projet, financé par le Multilateral Cooperation Center for Development Finance (MCDF) hébergé par la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (AIIB), est mis en œuvre par la BAD en partenariat avec S&P Global Market Intelligence et le cabinet CPCS.

L’objectif est de construire une architecture de données interopérable et auditable couvrant plus de soixante ports africains. « La fragmentation informationnelle, l’absence de référentiels communs et le manque d’auditabilité ont longtemps faussé l’évaluation de la performance portuaire et augmenté les primes de risque appliquées aux actifs africains », souligne Manuel Ntumba.

Concrètement, le programme prévoit la création d’un Port Data Book continental, d’un portail numérique sécurisé et d’un Africa Port Index, fondé sur les méthodologies utilisées par S&P Global, notamment celles du Container Port Performance Index développé avec la Banque mondiale. L’enjeu, insiste-t-il, n’est pas seulement technique. « Il s’agit de rendre les données comparables, documentées et exploitables, afin qu’elles puissent soutenir des analyses de risques crédibles et des décisions d’investissement rationnelles. »

À court terme, la BAD ambitionne de livrer une première version auditable du Port Data Book, un portail conforme aux normes internationales de cybersécurité et un index permettant de comparer objectivement la performance des ports. Ces outils doivent réduire les asymétries d’information qui compliquent aujourd’hui les due diligences des bailleurs et des investisseurs institutionnels.

L’impact attendu dépasse le périmètre portuaire. Sur un continent où 80 à 90 % des échanges passent par les ports, une donnée unifiée peut transformer les chaînes logistiques. « Une infrastructure de données harmonisée permet d’anticiper les congestions, d’optimiser les flux et de renforcer la compétitivité des corridors régionaux », affirme Manuel Ntumba. Selon lui, des gains de coûts logistiques de 20 à 30 % sont possibles sur certains axes.

Au-delà des chiffres, le projet entend installer un changement de paradigme : faire de la donnée un actif stratégique. « Harmoniser les données, c’est réduire l’incertitude, restaurer la confiance et améliorer l’attractivité des infrastructures africaines », résume-t-il.

Fiacre Enagnon Kakpo

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