Hodabalo Passou détaille les réformes récentes et les premiers impacts de la Covid-19 sur l’économie togolaise

Gouvernance économique
jeudi, 04 juin 2020 11:45
Hodabalo Passou détaille les réformes récentes et les premiers impacts de la Covid-19 sur l’économie togolaise

(Togo First) - Baisse du nombre d’impôts, réduction des coûts et rationalisation des procédures sur fond de refonte du code général des impôts, avec en toile de fond l’attractivité, le Togo poursuit son big bang fiscal. Et bien qu’eut surgi la pandémie de la covid-19, les autorités sont loin de désespérer, maintenant ou presque sur le rythme des réformes. Les objectifs semblent variés, mais le point d’orgue est mis sur l’amélioration du climat des affaires, en passe de devenir la chasse gardée du pays, du moins depuis deux ans. Dans cet entretien accordé à Togo First, Hodabalo Passou, Assistant Exécutif du Commissaire des Impôts et point focal de l’Office pour les réformes relatives au climat des affaires revient sur les récentes réformes, l’impact de la Covid-19 et les mesures d’accompagnement en faveur du secteur privé.

 

Togo First : quelles sont les réformes fiscales récentes qui ont été opérées pour asseoir un environnement propice aux affaires ?

Passou Hodabalo (PH) : Faciliter la vie aux contribuables et aux opérateurs économiques, a été le mot d’ordre qui a conduit les réformes sur les dernières années. Parlant de réformes, celle qu’il faut le plus souligner est la refonte du Code général des impôts, qui a apporté avec elle une bagatelle de mesures destinées à conforter le secteur économique dans ce que le gouvernement peut apporter comme accompagnements.

La rationalisation a permis de passer d’une fourchette de 26-27 impôts à environ 15-18 impôts. Le taux de l’impôt sur les sociétés est passé de 28 à 27 %.

Il s’agit de la rationalisation de notre système fiscal par la réduction du nombre d’impôts, ce qui équivaut, à une réduction des formalités, et ainsi permet d’accroître la compréhension par les contribuables de la réglementation fiscale. Si le code général de l’impôt est touffu, du temps s’avère nécessaire pour sa compréhension, ce qui limite l’efficacité. La rationalisation a permis de passer d’une fourchette de 26-27 impôts à environ 15-18 impôts. Ce qui permet une réduction des délais pour les contribuables et réduit les coûts engagés dans la conformité fiscale. Elle a aussi entraîné une baisse des impôts. Ainsi, le taux de l’impôt sur les sociétés est passé de 28 à 27 %. Le télépaiement et la télédéclaration, introduits et rendus obligatoires depuis 2018 pour les grandes et les moyennes entreprises contribue à l’amélioration de l’administration et permet aux contribuables de gagner en temps. 

Digital process

 

 

Togo First : Quid des entreprises de moindre taille ?

L’une de ces mesures est l’exonération de la Patente pour les deux premières années d’existence.

PH : Dans la même lancée, il a été procédé à un élargissement de l’assiette fiscale en faisant en sorte que le poids de l’impôt ne pèse pas uniquement sur un groupe réduit de contribuables. Dans le nouveau code, des mesures ont été prises pour identifier des niches fiscales et faire contribuer le secteur informel en prenant des dispositions en faveur des PME/PMI et ainsi les inciter à se formaliser et bénéficier des mesures d’accompagnement de l’État. L’une de ces mesures est l’exonération de la Patente pour les deux premières années d’existence. Aujourd’hui, les entreprises nouvelles, dont les chiffres d’affaires, sont situés entre 0 et 60 millions sont soumis à un régime synthétique d’impôts et donc n’ont qu’un seul impôt sur le revenu à payer. 

Aussi, auparavant, seules les entreprises effectuant des investissements d’au moins 200 millions pouvaient prétendre bénéficier de la réduction d’impôt pour cause d’investissement. Avec le nouveau code, même les plus petites unités, les plus petites entreprises peuvent en suivant la procédure appropriée bénéficier de cette réduction, quel que soit le montant des investissements qu’elles ont effectué dans le cadre de leurs activités.

Ces mesures sont prises pour permettre aux structures d’atteindre des seuils de rentabilité avant de commencer à payer des impôts.

En outre, les PME/PMI qui bénéficient de l’accompagnement du Centre Agrée de Gestion (CGE) ou des structures comme le FAIEJ, l’ANADEB ou d’autres structures étatiques peuvent profiter des dispositions d’abattement d’impôts prises en leur faveur même après les deux premières années d’exonération de la patente. Ces mesures sont prises pour permettre aux structures d’atteindre des seuils de rentabilité avant de commencer à payer des impôts.

 

Togo First : En contrepartie, comment l’OTR retourne-t-elle l’ascenseur à ces entreprises qui s’échinent à rester citoyennes ?

PH : Le nouveau code a été élaboré en sélectionnant les meilleures pratiques observées de par le monde. Par exemple dans l’optique d’accorder plus de garanties au contribuable, l’administration est encadrée dans ces délais en ce qui concerne les contrôles effectués dans les entreprises. Des mesures sont aussi prises quant au délai de réponses entre l’administration et le contribuable.  Ces délais sont égaux, c’est à dire qu’ils sont les mêmes aussi bien pour l’administration que pour le contribuable.

Les mesures prises en ce sens font en sorte que les remboursements de crédits TVA se fassent le plus rapidement possible.

Une autre mesure qui s’inscrit dans la droite ligne de l’amélioration du climat des affaires a consisté à mettre en place un dispositif d’accompagnement pour les contribuables afin de leur éviter des situations de manque de liquidité dues à des problèmes de remboursement des crédits TVA. Les mesures prises en ce sens font en sorte que les remboursements des crédits de TVA se fassent le plus rapidement possible.  Ces remboursements se font désormais sous un mois. Pour rendre cette mesure plus effective, un compte séquestre a été créé auprès de la BCEAO. Il est alimenté mensuellement par les TVA collectées auprès des contribuables et facilite un remboursement rapide.

Les augmentations de capital que ce soit par incorporation de réserves ou par apport nouveau, le contribuable est exonéré des droits d’enregistrement.

Une autre problématique réglée par le nouveau code est la réduction des droits d’enregistrement lors de la création des entreprises. Cette mesure date certes de 2018, mais a été renforcée. Ainsi pour les augmentations de capital que ce soit par incorporation de réserves ou par apport nouveau, le contribuable est exonéré des droits d’enregistrement.  Cette mesure permet aux entreprises d’être solides et stables.

2 Cfe

Devanture du Centre de formalités de entreprises (CFE)

 

Ces mesures qui viennent d’être citées dans le cadre de l’amélioration du climat des affaires au Togo ont été introduites d’une part par le code général des impôts qui a été révisé, rationalisé, mais aussi par la loi des finances 2020 et s’aligne sur les meilleures pratiques internationales pour permettre au Togo de demeurer un marché attrayant.

Désormais, toutes les entreprises qui financent leurs investissements par le crédit-bail bénéficient des accompagnements en termes de réduction d’impôts.

Deux autres mesures concernent d’une part l’exonération de droits et taxes d’importation en ce qui concerne les véhicules neufs. L’autre mesure porte sur le crédit-bail largement sous-utilisé jusque-là au Togo. Désormais, toutes les entreprises qui financent leurs investissements par le crédit-bail bénéficient des accompagnements en termes de réduction d’impôts, mais aussi il faut préciser que, quelle que soit l’immobilisation, le contribuable est libre de choisir le type d’amortissement qui correspond le mieux à la nature de l’activité et de la durée de la dégradation de l’outil. Par exemple le contribuable n’est plus tenu d’obtenir l’aval de l’administration avant d’utiliser le mode d’amortissement dégressif.

Tracteurs crédit bail

Le ministre Bataka en train de manœuvrer un tracteur financé par crédit-bail par Africa Lease Togo.

Togo First : Quelles sont les mesures d’accompagnement pour le secteur privé dans le cadre du Covid-19 ?

PH : Dans le cadre de la lutte contre la propagation de la pandémie le Président de la République a donné des instructions pour que la situation fiscale des entreprises soit étudiée au cas par cas. Ceci afin que celles qui sont exposées aux conséquences de la crise sanitaire puissent être accompagnées d’une part, et de l’autre accompagner tout le secteur privé à pouvoir faire face et ne pas disparaître à cause de la pandémie.

De ce fait aujourd’hui, il n’y a plus d’actions de recouvrement forcées.

Entre autres mesures donc, le gouvernement a pris des dispositions pour accompagner les entreprises qui auraient des difficultés à respecter les échéances de dépôt de leur déclaration fiscale afin de pouvoir bénéficier de délais supplémentaires et durant cette période de crise sanitaire.  A côté de ces reports de délais de dépôts de systèmes financiers ou de déclarations fiscales, l’Etat a également pris des dispositions que les actions en recouvrement puissent être allégées. De ce fait aujourd’hui, il n’y a plus d’actions de recouvrement forcées.

Enfin, on citera aussi l’exonération de droits et taxes à l’importation de tout ce qui est matériels et produits destinés exclusivement à la lutte contre le Covid-19. 

Mais l’administration fiscale octroie désormais un plan de règlement suivant la demande des contribuables. Il y a également la flexibilité dans la gestion des risques à recouvrir, particulièrement pour les PME/PMI. Certaines ayant dû carrément mettre la clé sous la porte, on ne peut plus leur demander des paiements. Il faut donc que nous reconnaissions celles qui sont dans des difficultés pour pouvoir les accompagner.

Les contrôles fiscaux sont suspendus et ne se limitent plus qu’aux entreprises qui ne sont pas citoyennes. Il y a également la suspension des pénalités pour les entreprises qui ont des échéances d’impôts qui arrivent durant cette période de crise sanitaire. Enfin, on citera aussi l’exonération de droits et taxes à l’importation de tout ce qui est matériels et produits destinés exclusivement à la lutte contre le Covid-19. 

 

Togo First : quels sont les impacts de la crise sanitaire sur l’OTR ?

4 Otr

 

 

PH : les impacts se ressentent beaucoup plus au niveau des recettes collectées. Le ministre de l’économie et des finances avait indiqué dans une de ses interventions que le PIB connaîtrait une baisse de plus de 3 points cette année. Ainsi, le taux de croissance du PIB ressortirait à 1,3% et pourrait même connaitre une contraction de 1,5% en 2020 dans l’hypothèse la plus pessimiste contre une prévision initiale de 5,5%.

Ces déclarations se sont confirmées ces derniers mois, notamment avec l’analyse d’impact de la pandémie réalisée par la Chambre de commerce.

Nous observons la baisse des chiffres d’affaires dans un certain nombre de secteurs d’activités comme l’hôtellerie, le transport ou encore la restauration. Ces secteurs ont été durement touchés. Les PME/PMI ont été également impactés parce que la plupart a dû fermer, tout comme certaines grandes entreprises qui connaissent des difficultés du fait de l’impossibilité d’exporter. Le secteur du BTP qui était déjà atteint à cause de la baisse du niveau d’investissement et de la diminution des grands travaux en raison de la Covid-19, continue de subir, la période n’étant favorable aux activités.

Nous retiendrons principalement au niveau de l’OTR une baisse des recettes fiscales. Les recettes fiscales devraient chuter d’environ 198 milliards de francs CFA, alors que nous anticipons une baisse des recettes non fiscales et de services de 32 milliards.

Octave Bruce

 

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