Kodjo Aïd Otou (CEO Edole Africa) : « le Togo est un bon terrain d'essai pour valider son produit et ensuite s’exporter » 

Infrastructures
mardi, 05 mars 2024 11:28
Kodjo Aïd Otou (CEO Edole Africa) : « le Togo est un bon terrain d'essai pour valider son produit et ensuite s’exporter » 

(Togo First) - C'est à grand renfort de communication, d'événementiel et de self-branding que Kodjo Aïd Otou et sa start-up Edole Africa ont lancé, jeudi 29 février dernier, la filiale ivoirienne, Edole Côte d'Ivoire. Une nouvelle étape pour cette entreprise du jeune entrepreneur togolais qui, depuis ses premiers clients sur la plateforme industrielle d'Adétikopé, connaît une trajectoire ascendante. 

Dans cette interview donnée à Togo First au lendemain de son entrée sur la scène ivoirienne, Kodjo Aïd Otou dresse un bilan de cette aventure entrepreneuriale et détaille la stratégie qui a guidé Edole Africa jusqu'ici.  Il aborde également la nécessité de franchir les frontières et partage les ambitions de la jeune start-up, qui résolument tournée vers l’avenir, cherche à ubériser le secteur des BTP avec sa marketplace. 

 

Togo First : Qu'est-ce qu'Edole Africa exactement ? Quels services proposez-vous ?

Kodjo Aïd Otou : En tant qu'ingénieur en génie civil et entrepreneur, j'ai précédemment dirigé une entreprise spécialisée dans les études et l'exécution de marchés publics. Entre 2016 et 2018, nous avons eu l’opportunité de mener des projets d'État. Cependant, nous avons rencontré des difficultés pour livrer ces projets conformément aux normes et aux contrats, ce qui nous a plongés dans une dette importante. En cherchant à comprendre et à résoudre ces problèmes, j'ai identifié un manque d'accès aux ressources nécessaires, qu'il s'agisse de personnel qualifié, de matériel ou de matériaux. Ce constat, corroboré par une analyse sectorielle, m'a amené à créer Edole Africa. Notre start-up fournit une banque de ressources pour soutenir les entreprises du secteur de la construction, afin d'optimiser la réalisation de leurs objectifs.

 

Les clients bénéficient grandement de notre service car nous démocratisons l'accès aux ressources et offrons une disponibilité estimée à 92-95%. Ils préfèrent travailler avec nous car tout est formalisé et sécurisé. Si un matériel tombe en panne, nous pouvons le remplacer rapidement, réduisant ainsi les délais.

 

Togo First : En termes plus concrets, que fait réellement Edole Africa ?

Kodjo Aïd Otou : Nous fournissons du personnel qualifié, du matériel d'exécution et des matériaux de construction aux entreprises du BTP et aux particuliers engagés dans des projets de construction. Nous ne stockons pas de matériel en propre mais valorisons les ressources existantes. Par exemple, nous ne formons pas de nouveaux ouvriers mais utilisons un portail numérique pour recenser et répertorier les compétences disponibles sur le territoire togolais. De même, pour les loueurs de matériel, nous leur offrons une plateforme pour intégrer notre base de données, que nous mettons ensuite à disposition de nos clients. Edole Africa agit comme une place de marché qui met en relation les ouvriers recherchant des missions et les entrepreneurs ou propriétaires ayant un projet de construction.

 

Togo First : Les ouvriers présents sur votre plateforme sont-ils employés par Edole Africa ? 

Kodjo Aïd Otou : Notre approche repose sur un engagement envers la qualité à chaque étape du processus. Ainsi, que ce soit pour les ouvriers ou les loueurs de matériel, une fois qu'ils rejoignent notre plateforme et qu'une demande pour leur service est reçue, nous sélectionnons le prestataire approprié. 

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 Ouvriers recrutés via la plateforme Edole Africa sur un chantier

Togo First : Comment fonctionne votre modèle de rémunération ? Quel est le pourcentage de commission que vous prenez actuellement ?

Kodjo Aïd Otou : Le paiement est effectué en fonction de la commande : nous prélevons une commission et rétribuons ensuite le prestataire pour sa prestation. La commission varie selon le type de service. Pour les ressources humaines, elle oscille entre 10% et 15%, tandis que pour le matériel, elle peut aller de 10% à 20%, en fonction du matériel et de la durée de la location. Ces commissions sont négociées avec les prestataires. L'avantage pour eux est que, même après notre commission, le coût final est comparable à celui qu'ils auraient obtenu en travaillant directement sans notre intermédiation.

 

Togo First : Dans ce cas, le client finit par payer plus cher. Quel est l'intérêt pour lui de passer par votre service ?

Kodjo Aïd Otou : Les clients bénéficient grandement de notre service car nous démocratisons l'accès aux ressources et offrons une disponibilité estimée à 92-95%. Nous leur faisons gagner du temps, ce qui, en affaires, équivaut à économiser de l'argent. Certains de nos clients nous ont même aidés à élargir notre réseau en nous recommandant des fournisseurs. Ils préfèrent travailler avec nous car tout est formalisé et sécurisé. Si un matériel tombe en panne, nous pouvons le remplacer rapidement, réduisant ainsi les délais et permettant aux clients d'atteindre leurs objectifs plus efficacement.

 

Togo First : Pourriez-vous expliquer comment un ouvrier, prenant l'exemple de Koffi, peut-il s'inscrire sur Edole Africa ?

Kodjo Aïd Otou : Koffi peut s'inscrire en téléchargeant notre application ou en visitant notre site web. Il créera un compte en fournissant des informations personnelles, puis accédera à la section dédiée aux ouvriers pour compléter son profil. S'il possède un CV, il peut le télécharger ; sinon, nous lui fournirons un formulaire à remplir. Ces informations seront traitées par notre équipe pour décider de l'intégration de Kofi sur la plateforme.

 

Togo First : Une fois inscrit, est-il possible pour un ouvrier ou une entreprise de recevoir directement des offres de service via la plateforme, ou doivent-ils passer par les équipes d’Edole Africa pour la mise en relation ?

Kodjo Aïd Otou : Les interactions sur notre plateforme sont contrôlées. Les clients passent par les équipes d’Edole Africa, qui jouent un rôle central pour garantir la qualité du service et assumer la responsabilité en cas de problèmes, en veillant à ce que tout se déroule correctement.

 

Togo First : Comment garantissez-vous l'impartialité dans le choix des ouvriers ou des fournisseurs ?

Kodjo Aïd Otou : Notre priorité est l'excellence et l'engagement. Nous privilégions les profils qui s'alignent sur nos valeurs et contribuent à nos objectifs de performance. Un système de recommandations intégré à notre application, soutenu par une intelligence artificielle, nous permet d'évaluer les fournisseurs, les ouvriers et les ingénieurs. Ces évaluations guident nos choix en fonction des demandes des clients.

 

Aujourd'hui, 50% des entreprises du BTP au Togo ont déjà utilisé notre plateforme pour commander des ressources ou qui l'ont tout simplement utilisée.

 

Togo First : Nous comptons sur votre impartialité pour assurer une sélection équitable. Quelle a été la réaction du marché face au lancement de votre plateforme Edole Africa ?

Kodjo Aïd Otou : Au début, l'accueil fut mitigé, car le secteur du BTP est très traditionnel et réticent aux innovations. Nous étions préparés à cette éventualité et nous savions que gagner notre premier client serait crucial. Cette opportunité s'est présentée avec le projet de la Plateforme Industrielle d'Adétikopé (PIA) en 2021, où nous avons déployé plus de 900 ouvriers, illustration de l'efficacité de notre solution. Aujourd'hui, environ 50% de notre cible au Togo s'intéresse à notre service.

 

Togo First : Quand vous dites 50% de la cible, vous faites référence à quoi exactement ?

Kodjo Aïd Otou : Nous parlons de 50% des entreprises du BTP au Togo qui ont déjà utilisé notre plateforme pour commander des ressources ou qui l'ont tout simplement utilisée. Mais nos performances vont bien au-delà de cela. À ce jour, nous comptons entre 200 et 220 entreprises clientes ayant utilisé Edole Africa pour divers besoins. Nous avons contribué à la création de plus de 5 000 emplois indirects à travers les ouvriers que nous avons placés. Nous sommes présents dans un marché phare sur deux au Togo, que ce soit à travers la fourniture de matériel, de ressources humaines, ou de matériaux. Edole Africa emploie également environ 30 personnes de manière fixe à son siège au Togo.

 

Nous avons déjà des projets en cours en Côte d’Ivoire. Nous avons déjà des projets qui, en quelques semaines, ont créé environ 1 000 emplois. Les 50 000 emplois visés reflètent nos ambitions et nos projections.

 

Togo First : Et c’est fort de ces résultats que vous avez décidé votre expansion en Côte d'Ivoire. Quels objectifs sous-tendent cette ambition ? Ne pensez-vous pas aller trop vite ?

Kodjo Aïd Otou : Pas du tout, cela fait déjà 18 mois que je voyage entre Abidjan et Lomé. Pour moi, l'Afrique, et plus particulièrement l'Afrique de l'Ouest, est un bloc uni. Dans le secteur de la construction, les entreprises ne se limitent pas à un seul pays. Nous avons des clients importants qui opèrent dans plusieurs pays de la région. Il nous est déjà arrivé d'intervenir en Côte d'Ivoire et au Bénin sans y être officiellement présents. Face à la demande croissante en Côte d'Ivoire, nous avons décidé, après mûre réflexion, d'y ouvrir officiellement une filiale. Nous avons déjà des projets en cours là-bas.

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Panel de lancement d’Edole Africa Côte d’Ivoire

 

Togo First : En vous développant en Côte d'Ivoire, rejoignez-vous des partenariats locaux ou explorez-vous le marché seul ?

Kodjo Aïd Otou : Nous avons développé des partenariats dans tous les aspects de notre activité, pas seulement en Côte d'Ivoire mais aussi au-delà. Par exemple, lors de notre lancement, nous avions des représentants de grandes marques et des constructeurs majeurs. Nous explorons des collaborations pour étendre notre offre de services.

 

Je considère le Togo comme un terrain d'essai idéal pour perfectionner son produit. C'est ici que l'on peut expérimenter son produit, atteindre un MVP viable et parvenir à un ajustement parfait au marché. Une fois ces étapes franchies, il faut se concentrer sur la croissance.

 

Togo First : Avez-vous déjà des clients à Abidjan ? Y a-t-il déjà eu des recrutements ?

Kodjo Aïd Otou : Oui, nous avons déjà des clients et des projets en Côte d'Ivoire. Le Togo a été notre terrain d'essai pour perfectionner notre produit. Lorsqu'une startup atteint une certaine maturité, elle doit penser à se développer. 

En tant qu'entrepreneur, je considère le Togo comme un terrain d'essai idéal pour perfectionner son produit. C'est ici que l'on peut expérimenter son produit, atteindre un MVP viable et parvenir à un ajustement parfait au marché. Une fois ces étapes franchies, il faut se concentrer sur la croissance. Dans un contexte africain, les start-ups, telles que la nôtre, ne se précipitent pas vers la rentabilité immédiate ; elles privilégient plutôt le développement stratégique pour stimuler une croissance significative et exploiter pleinement le potentiel de l'innovation.

C'est dans cette optique que nous envisageons également d'ouvrir une filiale au Bénin dans les mois à venir. Pour la Côte d'Ivoire, nous avons déjà une équipe en place, dirigée par un DG expérimenté, ancien directeur chez Coca-Cola Afrique Centrale et à l'Agence de promotion de l'investissement du Mali. Cette équipe est prête à relever les défis du marché ivoirien.

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Moussa Touré, Directeur Général de Edole Africa Côte d'Ivoire, ancien DG de l’agence nationale de la promotion des investissements du Mali, ancien DG régional Coca-Cola Afrique centrale.

 

Togo First : Parlons un peu de vos projets en Côte d’Ivoire. Vous avez mentionné vouloir recruter jusqu'à 50 000 ouvriers à Abidjan. Cet objectif très ambitieux est-il tenable ou c’est une opération de communication ?

Kodjo Aïd Otou : Nos ambitions sont à la hauteur du dynamisme du secteur de la construction ici [Côte d’Ivoire, ndlr]. Nous avons déjà des projets qui, en quelques semaines, ont créé environ 1 000 emplois. Les 50 000 emplois visés reflètent nos ambitions et nos projections.

 

Dans 5 ans, je vois Edole Africa comme une marque panafricaine, présente dans au moins 11 pays.

 

Togo First : Comment Edole Africa se finance aujourd'hui ?

Kodjo Aïd Otou : A ses débuts, Edole Africa a été financée par mes propres moyens, dans la douleur. Avec la croissance, nous avons ouvert le capital à d'autres associés pour partager les risques et les gains. Nous avons également le soutien de certaines banques locales, et nos activités sont aujourd'hui financées par nos propres revenus, étant donné que nous sommes déjà rentables.

 

Togo First : Prévoyez-vous des levées de fonds pour soutenir votre expansion ?

Kodjo Aïd Otou : Nous sommes en discussion avec des investisseurs depuis un moment. Notre objectif était d'abord de valider notre modèle économique en Côte d'Ivoire avant d'entamer des discussions sérieuses pour une levée de fonds.

 

Togo First : Quelles sont les perspectives d'Edole Africa pour les prochaines années ?

Kodjo Aïd Otou : Dans 5 ans, je vois Edole Africa comme une marque panafricaine, créatrice d'emplois et apportant des solutions concrètes au secteur de la construction. Nous envisageons d'être présents dans au moins 11 pays.

 

Interview réalisée par Fiacre E. Kakpo

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