Semoa, la start-up franco-togolaise évoluant dans la technologie financière a mis au point un service Whatsapp banking pour les clients de banque au Togo.
Cette évolution, selon une annonce de la fintech rapportée par le site d’information Tech En Afrique, est une première au Togo et en Afrique francophone. « Grâce à l’Intelligence artificielle (IA), nous avons développé une chatbot (ndlr : boîte de discussion) bancaire.», indique la jeune entreprise fondée par Edem Adjamagbo (photo).
Avec le Whatsapp banking service, le client peut consulter son solde, l’historique de son compte, opérer des transferts de compte à compte, des paiements marchands et autres, indique-t-on.
L’entreprise qui a été doublement primée en 2018 comme « start-up of the year Africa » et « fintech Africa » à Casablanca, prévoit prochainement, après sa phase pilote, des déploiements de sa technologie en Afrique francophone.
Séna Akoda
Dans la vie de Gervais Koffi Djondo, il n’y a pas que les affaires. Fondateur d’Ecobank et d’Asky, le Togolais n’a jamais cessé de parler de l’Afrique et de sa vision de l’entrepreneuriat africain. D’ailleurs, c’est l’Afrique qui vient de faire sortir l’entrepreneur togolais de sa retraite.
La semaine dernière, Gervais Koffi Djondo, le célèbre fondateur d’Ecobank et de la compagnie aérienne Asky est sorti de sa retraite. Après avoir décidé, il y a quelques années, de prendre du recul par rapport au monde des affaires, le Togolais viens de publier « L’Afrique d’abord ». Plus que de simples mémoires, le livre donne des détails sur la vision de l’homme d’affaires pour un entrepreneuriat qu’il rêve toujours au service du continent. La publication de l’ouvrage a suscité de nombreuses réactions, majoritairement dithyrambiques. Rien d’étonnant, quand on connait le parcours de Gervais Koffi Djondo.
« J'aime notre continent et je souhaite qu'il se réveille.»
Véritable monument africain, l’octogénaire togolais a réussi partout où il est passé, grâce à une rigueur quasiment génétique.
Amoureux du continent
« J'aime notre continent et je souhaite qu'il se réveille. Je désire que l'Afrique entre dans un réel concert du développement ». Pour lui, malgré les nombreux problèmes du continent, les Africains sont plus que jamais capables de changer les choses et de rayonner. Pour cela, la première condition est de travailler ensemble. « Il nous appartient de faire avancer les choses. Je pense en premier lieu à l'intégration africaine. C'est pour cela qu'Ecobank est une banque panafricaine et qu'Asky est une compagnie aérienne panafricaine. Tant que l'Afrique ne comprendra pas l'importance de son union, elle ne fera que reproduire le schéma colonial des Etats dont les économies sont peu développées et qui se contentent de faibles échanges commerciaux entre eux », assure Gervais Djondo.
Présent pendant plusieurs décennies aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public, le Togolais a pu observer dans leurs moindres détails les différents obstacles au développement africain, notamment dans la gestion d’Asky, la compagnie aérienne qu’il a créée.
« Je pense en premier lieu à l'intégration africaine.»
«Le panafricanisme pour moi, ce sont des actions concrètes. Les grosses compagnies aériennes dans le monde se regroupent. Mais les pays africains continuent de créer de petites compagnies par égoïsme national. » En dehors de l’intégration, l’un des principaux problèmes du continent est, selon le Togolais, le manque de rigueur.
Un rigoriste nommé Koffi Djondo
Tous ses proches sont unanimes. Le trait de caractère qui caractérise Koffi Djondo est sa rigueur, envers lui-même, puis envers les autres. L’un des épisodes les plus caractéristiques de ce trait de caractère est intervenu en 1964. Le Togolais est alors directeur général de la caisse d’allocations familiales, actuelle caisse nationale de sécurité sociale. « J’avais installé une pointeuse (horloge permettant de marquer l’arrivée des salariés ; ndlr), la première du pays dans le secteur parapublic. Dans mes services, j’avais l’épouse du vice-président et des femmes de ministres. Pointer leur posait problème. On m’a interpellé à ce sujet. J’ai répondu que, même moi, je pointais tous les jours. À l’époque, les militaires s’amusaient dans les entreprises, ils obligeaient les gens à recruter leurs maîtresses. Chez moi, non. Ces pratiques ne passaient pas et je l’ai clairement signifié en déclarant à ces messieurs : venez m’arrêter si vous voulez ».
Cette rigueur, le fondateur d’Ecobank l’a héritée de son père. En effet, durant son enfance, l’entrepreneur togolais a reçu une éducation tellement stricte qu’il l’évoque parfois en la qualifiant de prussienne. « J’ai grandi au Togo, dans la région d’Aného. Je n’ai pas eu une enfance comme celle de tout le monde », confie le fondateur d’Asky.
« Je n’ai pas eu une enfance comme celle de tout le monde »
« Je suis fils unique et c’est mon père qui m’a élevé. Grand commerçant, il appartenait à la génération des Allemands qui ont colonisé le Togo. Il était très dur. Quand il prenait ses repas, je devais rester les bras croisés en face de la table, pour ramasser les miettes qui tombaient, ou apporter ce dont il avait besoin. Quand je me mettais à somnoler, j’avais chaud ! Très chaud ! Une fois alors que je somnolais, il m’a mis à genou sur des coques de palmiste. J’avais les genoux en sang »
Et ce n’était pas tout. « Sortir m’était interdit. Je ne quittais la maison que pour aller à l’école, où mon père m’accompagnait. Et le dimanche, j’allais à la messe avec lui. Il me tenait par la main et ne tolérait pas que je m’éloigne », se souvient Gervais Kofi Djondo. Malgré tout, l’entrepreneur ne regrette rien. D’ailleurs, il ne semble pas vraiment en vouloir à son père qui lui a enseigné la rigueur qu’il cultive depuis cette période. « Sans vouloir entrer dans les discussions actuelles en Europe ou aux États-Unis sur les punitions et les fessées qu’il ne faudrait plus donner aux enfants, je pense que c’est une grave erreur de ne pas réprimander. Un enfant ne peut pas ne pas être puni : il doit savoir que s’il fait telle ou telle bêtise, il sera sanctionné », explique Gervais Koffi Djondo.
Né au Togo, près de la frontière béninoise.
Le fait que ces épisodes aient forgé son caractère a sans aucun doute permis au Togolais de réaliser le parcours qu’on lui connait, et qui vaudra à la bourgade où il nait le 04 juin 1934, d’être rebaptisée, en son honneur, Djondo Condji (Terre de Djondo).
Les années syndicales
Après un parcours scolaire passé au Bénin voisin, Gervais Koffi Djndo se rend au Niger, au début des années 1950. Il y est engagé comme expert-comptable à la Régie générale des chemins de fer et travaux publics du Niger. Son efficacité impressionnent tellement les cadres de l’administration coloniale qu’il est nommé directeur administratif et financier de la société française de transport Sotra. « J’ai découvert la situation déplorable des travailleurs nigériens. Bien que cadre, je me suis inscrit dans un syndicat (la confédération française des travailleurs chrétiens ; ndlr), avec pour objectif d’aider mes frères africains maltraités au sein de l’entreprise ».
Koffi Djondo affiche alors son soutien aux syndicalistes nigériens, ce qui finira par le faire renvoyer de la société française Sotra. Cet épisode sèmera en lui les graines d’un panafricanisme qui ne le quittera plus jamais. Il décide de rentrer au Togo. Mais au moment de son départ, l’administrateur de la ville de Niamey, un socialiste français, lui propose de s’inscrire à l’Ecole nationale de la France d’outre- mer, à Paris. Pendant ce temps, Sylvanus Olympio dirige le Togo indépendant. Son admistration subit alors l’opposition farouche de son beau-frère Nicolas Grunitzky. Parmi les membres du parti de ce dernier, se trouve Nicolas Djondo, l’oncle du futur fondateur de Ecobank. « Je suis informé du fait que le président Olympio demande avec insistance que je sois exclu de l’Ecole. Ce qui embarrasse les autorités françaises. Je suis reçu par le président de Gaulle qui me rassure et je me vois offrir une bourse. Mais je vais plutôt m’inscrire à l’Institut des sciences sociales du travail. J’y passe un an de 1962 à 1963. Après le coup d’Etat qui entraîne la mort d’Olympio, Nicolas Grunitzky est installé au pouvoir et il obtient mon retour à l’Ecole nationale de la France d’outre-mer. Ce qui me permet d’obtenir mon diplôme. »
Après l’obtention de son diplôme, Gervais Koffi Djondo obtient un poste au service du personnel de la compagnie aérienne UTA. « Je n’y reste pas longtemps, car au cours d’un séjour à Paris, le président Grunitzky décide de me ramener avec lui au Togo, où je suis nommé directeur général de la caisse d’allocations familiales», se rappelle-t-il. A la tête de la future caisse nationale de sécurité sociale, il crée le régime des accidents de travail, la retraite obligatoire, la pension vieillesse. Grâce à sa rigueur, Koffi Djondo réussit à imposer de nombreux changements à l’intérieur du service qu’il dirige. A tel point que Yassingbé Eyadema, une fois arrivé au pouvoir, décide de lui donner davantage de responsabilités. « Ce militaire, que je ne connaissais pas, me convoque un jour pour m’annoncer qu’il souhaite que je mette de l’ordre dans les services de la préfecture de Lomé. Il me nomme préfet de la capitale, fonction que je cumule avec celle de directeur de la CNSS », raconte Koffi Djondo.
Encore une fois, son travail est impressionnant. En 1973, il est nommé président du conseil économique et social. Il quittera rapidement cette fonction pour diriger la filiale togolaise du groupe français Scoa. En 1975, il est élu président de la chambre de commerce et d’industrie du Togo. En 1985, il est nommé ministre de l’Industrie et des Sociétés d’Etat. En 1978, en rejoignant un regroupement de chambres de commerce de certains pays anglophones d’Afrique, il crée la fédération des chambres de commerce d’Afrique de l’Ouest. « Je regardais du côté des pays anglophones. Ils avaient une fédération qui regroupait le Nigeria, le Ghana, la Sierra Leone, la Gambie, etc. Avec les présidents des chambres de commerce de Côte d’Ivoire et du Sénégal, nous avons alors adhéré à cette fédération », explique-t-il. C’est d’ailleurs au sein de cette institution que nait l’idée de créer Ecobank.
Ecobank et Asky, les joyaux d’une carrière
Après la création de la fédération des chambres de commerce d’Afrique de l’Ouest, Gervais Koffi Djondo rencontre Adeyemi Lawson, le président de la Chambre de commerce et d’industrie du Nigeria. Le Togolais ne le sait pas encore, mais cette rencontre sera déterminante pour son avenir. Les deux hommes se lient d’amitié, peut-être parce qu’ils ont en commun leur panafricanisme et le désir d’accompagner les entrepreneurs africains.
De la rencontre entre Gervais Koffi Djondo et le Nigérian Adeyemi Lawson va naître Ecobank.
D’après les deux amis, le financement est l’une des principales pierres d’achoppement des entreprises du continent. Ils décident alors de créer une banque panafricaine. « C’est au sein de la fédération qu’est née l’idée de fonder une banque panafricaine. Lawson et moi avons pris en main le dossier d’Ecobank. Nous nous sommes fait le devoir d’aller rencontrer tous les chefs d’Etat de la sous-région, même si nous voulions que le projet soit entièrement privé. Nous ne voulions pas l’argent des Etats. Lorsque nous avons rencontré le président ivoirien Houphouët-Boigny, il était tellement enthousiaste qu’il nous a accompagnés sur le perron du palais et a déclaré, devant la presse, que c’était la première fois qu’il voyait des Africains lui présenter un projet sans lui demander d’argent ».
Les membres de la fédération des chambres de commerce créent alors Ecopromotion, une société de dotée d’un capital de 500 000 dollars, dont l’objectif est de réaliser les études de faisabilité du projet. Gervais Koffi Djondo et Adeyemi Lawson définissent ensuite les bases de la structure du capital de la future banque. A la recherche d’un équilibre entre régions anglophones et francophones, ils s’arrangent pour que le Nigeria et la Côte d’Ivoire, les têtes d’affiche de la CEDEAO, aient la même part dans le projet. Mais bientôt les écueils vont commencer à se dresser sur la route du projet. Le premier est politique. « Alors que je suis au Sénégal avec Adeyemi Lawson pour rencontrer le président Abdou Diouf, je reçois à 2 heures du matin un appel du président ivoirien qui insiste pour que je vienne le voir quelques heures plus tard. Il me dit qu’il envoie son avion me chercher et que nous prendrons le petit déjeuner ensemble. Il insiste aussi pour que je vienne seul, sans mon ami. A notre rencontre, il me dit qu’il faut que le projet soit seulement pour la zone franc. Je lui explique que le projet est censé couvrir toute la CEDEAO. C’est seulement quelques jours plus tard que j’ai compris qu’un banquier français était venu de Paris à Abidjan, pour rencontrer le président.» Comme l’expliquera, bien des années plus tard, Koffi Djondo dans une interview « les intérêts financiers français représentent 99 % du marché en Côte d’Ivoire », ce qui explique l’approche proposée au président ivoirien.
Le second obstacle sera la levée des fonds nécessaires à la création de la banque. Gervais Koffi Djondo et Adeyemi Lawson doivent lever 50 millions de dollars. Grâce à 1200 actionnaires issus de 14 pays, ils atteignent 36 millions de dollars. Mais par la suite, ils se heurtent au refus de collaborer de nombreuses banques françaises et même à celui de Tewolde Gebremariam, le PDG d’Ethiopian Airlines. « Nous nous sommes alors tournés vers Citibank, qui nous a proposé une équipe et en moins d’un an, nous avons monté la banque », explique Gervais Koffi Djondo. Ecobank voit le jour en 1985. Grâce à une croissance rapide, en un peu plus de 25 ans, la banque s’est établie dans 33 pays africains et a employé 18 000 personnes de 40 nationalités différentes. De 2007 à 2012, son chiffre d’affaires est passé de 544 millions à 1,75 milliard de dollars.
« La disparition d’Air Afrique a été une catastrophe pour l’économie régionale ».
Fidèle à ses ambitions panafricanistes, Ecobank recrute « de jeunes Africains venant de tous les pays ». Comme l’expliquent des experts de la finance, « dès le début, Ecobank s’est donné pour mission de bâtir une nouvelle Afrique. Cela a donné à ses employés le sentiment que leur but était bien plus que de faire de l’argent. La banque recherchait des personnes qui correspondaient à cette culture et avaient la passion de faire la différence en Afrique... On les appelait Ecobankers, pour souligner que travailler à Ecobank, c’était spécial ».
Le succès d’Ecobank va pousser des politiques africains, à la recherche d’un homme pour piloter le projet d’une compagnie aérienne panafricaine, à se tourner vers le Togolais. « La disparition d’Air Afrique a été une catastrophe pour l’économie régionale. Pour aller de Lomé à Niamey, il faut prendre la route et vous arrêter à Ouagadougou… Le besoin d’un service aérien existait ». Charles Konan Banny, alors gouverneur de la BCEAO et Thomas Yayi Boni, qui était encore directeur général de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), exposent à Gervais Koffi Djondo l’idée de créer une compagnie aérienne panafricaine.
« C’était après la rencontre des présidents Laurent Gbagbo et Abdoulaye Wade avec le PDG d’Air France au siège de la compagnie. Charles Konan Banny avait été chargé de suivre le dossier de la compagnie par les deux présidents », se souvient le Togolais. Mais malgré les nombreuses sollicitations, ce dernier reste d’abord ferme. Après plusieurs rejets, il finit par accepter et se met à étudier le dossier de création de la compagnie. « Je me suis plongé dans les détails et j’ai vu qu’ils voulaient refaire Air Afrique, c’est-à-dire une compagnie francophone. J’ai décidé de tout revoir et d’élargir le projet aux anglophones », explique le fondateur d’Ecobank.
Servan Ahougnon
Hermès. Il fait partie de cette diaspora qui connecte la terre de ses ancêtres à l’Europe. Particulièrement à la France où il a gravi les échelons, niveau collectivités locales, avant de revenir à ses rêves : motiver, inciter, conseiller les entreprises val-d'oisiennes à investir au Togo, et parfois, l’inverse. Le made in Togo, le consommer local, y compris le recrutement des compétences locales, plus qu’un leitmotiv est inscrit en lettre d’or chez Pascal Ayayi Creppy (PAC), patron de 3 C Conseil, initiateur de l'association « Dynamique Togo Val d'Oise », digne fils togolais à la verve intarissable. Interview.
Togo First : Vous opérez sur le segment des activités de conseil en affaires intégrant une clause sociale d’insertion RSE. Qu’est-ce que cela signifie ?
Pascal Ayayi Creppy (PAC) : Mon métier de conseil en affaires consiste à conseiller et former des entreprises du Val d'Oise depuis 5 ans (depuis 2 mois le Rhône) à commercer avec le Togo. Concrètement, je traite des liens d’affaires entre les entreprises du Val d’Oise (France) et celles du Togo, afin qu’elles puissent faire des affaires ensemble.
Je suis facilitateur, le messager entre les entreprises de ces 2 univers dont la volonté de collaborer n’est plus à démontrer. Cependant, je considère que ces échanges doivent s'effectuer de manière pratique, dans un cadre de responsabilité sociale de l'entreprise (RSE). Pour ma part, cette RSE se matérialise avec une clause sociale d'insertion qui vise à créer de l'emploi. Ainsi, j’incite les entreprises que j'amène à recruter local.
Concrètement, nous mettons un avenant, un petit contrat à côté, qui invite ces entreprises à recruter des Togolais. Bien évidemment, le terrain doit être balisé en amont. Par exemple, j’identifie auprès de l’ANPE (Agence nationale pour l’emploi), les recruteurs locaux ou les publics, les demandeurs d’emploi capables de travailler sur les compétences demandées par ces employeurs. C’est un métier. Et ça marche !
Togo First : Quelles sont les entreprises présentes ici au Togo qui sont nées de votre activité?
PAC : Pour l’instant, je n’ai pas encore apporté de grosses structures. C’est essentiellement des porteurs de projet, des petites structures ou des PME. La première entreprise, fruit de mon activité de conseil, est dans la formation industrielle, la seconde dans la sécurité maritime, la troisième dans le métier des services. Une autre opère dans le secteur du transport de colis entre le Togo et la région lyonnaise. Il y en a une qui est dans l’agropastorale dans la région de Glei à Atakpamé. Je m’en voudrais de ne pas parler de ma plus grosse fierté. Elle opère dans le domaine de la photocopie. C’est une entreprise qui a réussi à employer beaucoup de Togolais en personnel permanent. Elle a recruté local, de la direction commerciale aux directions informatique et financière.
Nous avons fait du social dans le cadre de ces structures ; par exemple, nous avons offert une photocopieuse à une école publique qui n’avait pas les moyens de s’en acheter.
Togo First : L’objectif que vous vous êtes assigné est de permettre aux Togolais d’avoir de l’emploi. Quid de la compétence de ceux que vous recrutez ? Parce que la question de la compétence se pose très souvent lorsque les multinationales descendent dans les pays les moins avancés. Comment résout-on le problème de l’adéquation ?
PAC : Si vous permettez, je vais rectifier. Mon seul objectif n’est pas de faire du social ou de la responsabilité sociale. Ce n’est qu’un de mes objectifs. Mon activité principale est commerciale qui est une invention humaine et sociale. Ce sont des affaires avec une approche humaniste, sociale et durable.
Pour la problématique de la compétence, elle n’est pas propre au Togo. Tu peux rencontrer en Europe ou en Amérique, des gens qui ne sont pas compétents. Mon rôle est d’amener le chef d’entreprise à mon concept, mon modèle de business, à revoir ses critères de recrutement dans un environnement où il ne peut pas trouver le mouton à 5 ou 10 pattes, c’est-à-dire le candidat qui a tout.
La plupart des entreprises a des modèles-types de recrutement. On veut telle personne née à tel endroit, qui a fréquenté telle école, avec telle compétence et qui parle trois langues. Sur le poste ou la mission à confier, on n’a généralement pas toujours besoin de tous ces prérequis ou toutes ces qualités pour travailler.
J’ai rencontré des assistantes de direction ou des secrétaires pour lesquelles, on a demandé la maîtrise de l’anglais, de l’allemand et de l’italien alors que l’entreprise n’opère pas à l’international. Cela n’a aucun sens. Ma mission est de les amener à revoir tous ces critères. Les candidats ne répondent pas aux annonces dès qu’ils se rendent compte qu’ils doivent répondre à une litanie de critères.
La seconde chose est que lorsque je demande aux multinationales de recruter local, je le fais de manière intelligente. Car, après tout, c’est le Chef d’entreprise qui a le dernier mot. Concrètement, j’identifie les différents postes concernés et je vérifie dans le bassin de l’emploi local, si on a des compétences qui y correspondent. Si personne ne répond aux critères, je laisse l’entreprise faire.
Toutefois, je tiens à préciser qu’il y a bien des universités dans ce pays et des gens qui sont y formés sur des normes internationales. Comme il y a aussi des personnes qui ont besoin d’un cadre pour compléter leur formation. Ce sont des choses à mettre en œuvre avec l’entreprise en matière de formation ou de mise à niveau.
Togo First : Comment on arrive à défier les lois du marché pour propulser son activité quand on exerce dans le conseil en affaires, un métier peu connu dans les pays en développement ?
PAC : Ce n’est pas évident au départ. Le conseil dans nos pays n’est pas encore connu. Dans un premier temps, il faut aller, humblement et modestement, se faire connaitre. Il n’y a que par des résultats qu’on arrive à poser, petit à petit, ses marques. Un petit contrat, un second qui débouche sur un autre.
La difficulté est de pouvoir monnayer le conseil. C’est mieux quand il s’agit de grandes entreprises mais là encore...
Il faut cultiver les graines et entretenir son relationnel, son lobbying. Il faut accepter de ne pas beaucoup gagner au départ. A mes débuts, j'ai dû former, enseigner, animer des séminaires parallèlement pour faire connaître et expliquer le métier du conseil, la particularité du Val d'Oise avec le Togo dans le cadre d'une coopération décentralisée.
Le mot « affaires » a une connotation péjorative qui laisse penser qu’on fait des choses illicites. Nous, notre rôle est aussi d’expliquer qu’on peut faire les choses, selon une certaine éthique. C’est d’ailleurs ce qu’essaie de mettre en place la secrétaire d’Etat en charge du climat des affaires : instaurer un climat de confiance.
Togo First : Vous venez de participer au 1er FETUE. Quelle est votre appréciation de cette initiative ?
PAC : Une excellente initiative, même si moi-même je n'y croyais pas au départ. Tout le monde est d’accord que c’est une belle initiative. Un véritable moyen de faire la promotion du pays en général, de ses politiques, entreprises etc. On a pu se mettre d’accord sur le fait que l’évènement des 13 et 14 juin derniers, a réussi. Tout a été top. L'événement a réussi aussi bien dans le pilotage par Mme le ministre en charge du climat des affaires, Sandra Johnson, que dans la communication par le Moci (Moniteur du Commerce international) de France. C’était un bon show d'affaires à l'européenne. Un forum à l’image de ce qui se fait dans les grands pays, à l’échelle de l’Europe.
Togo First : Quel est votre bilan personnel à ce forum ?
PAC : Je suis allé au forum avec une double casquette : patron de ma structure de conseil (3 C Conseil, ndlr) et président de l’association dynamique Togo-Val d’Oise que j’ai récemment initiée. Au niveau de ma structure, le forum a permis d’enrichir mon carnet d’adresses avec surtout ceux qui sont venus de l’international : entreprises, institutionnels, personnalités de l’ODCE etc…
Le plus fort a été au niveau de l’association. C’était l’opportunité de nous faire connaître. On avait un stand et on a enregistré énormément de passages. On a permis à des jeunes Togolais, membres de notre association de présenter leur business et leurs produits Made in Togo.
Au départ il y a 5 ans, l'idée était d'amener des chefs d'entreprise du Val d'Oise à investir et à y faire du business. Aujourd'hui, des jeunes entrepreneurs togolais veulent conquérir les marchés Val d'Oisiens et du Rhône Alpes Auvergne. Avec des produits made in Togo, des entreprises comme Never Die, Neo Liquors, Colis Expres...., de réelles perspectives sont en train d'être ouvertes depuis le forum Togo-Ue dans l’ananas, le beurre de karité, le jus de fruit bio haut de gamme, etc.
En termes d'activité, nous avons sensibilisé et formé des entrepreneurs à faire de l'international avec le val d'Oise et depuis quelques semaines avec le Rhône Alpes.
On a appris une bonne nouvelle au forum. Le Togo va recevoir des financements de l’UE pour créer ou aider des entreprises locales dans les certifications ou les facilitations dans l’export, par exemple.
Comme je le disais, je suis l'initiateur et président du l'association Dynamique Togo Val d'Oise. Les piliers qui me soutiennent sont Mme Solim Kpimsie de Never Die, Monsieur Homawoo de l'entreprise Néo Liquors, Mme Ouédraogo, Mr Anani, informaticien. Ils ont été formés à faire l'international. Ils ont énormément préparé leur participation active à ce forum qui leur a permis de commercialiser leurs produits sur place.
Un entrepreneur dans l'équipe a même obtenu un contrat ponctuel en informatique de 3 jours auprès d'un dirigeant de passage à Lomé pour ce forum Togo-Ue. Ils ont pu tisser créer des liens entre entrepreneurs du Val d'Oise (Trinita Company Group) et du Rhône (Edouard Lorente, lobbyste en affaires) venus au forum. Des négociations ont lieu après le forum pour des échanges commerciaux entre ces derniers et le Togo.
Togo First : Que pensez-vous de la stratégie utilisée : lancer un appel à projets pour recruter une centaine de projets qui sont allés ensuite conquérir plus de 800 milliards FCFA ?
PAC : Je trouve cette démarche très intéressante. C’est la partie la plus concrète et visible du forum. Il faut donner des opportunités aux porteurs de projets et entrepreneurs locaux de montrer leur savoir-faire à des potentiels investisseurs. Ces entrepreneurs sont parfois isolés et bénéficient de micro-financements institutionnels mais cela ne suffit pas. Il faut un réseau, un carnet d’adresses et de l’expérience.
Togo First : 852 milliards de promesses. Comment passer de l’étape de promesse à l’effectivité de leur mobilisation ?
PAC : Pour l’entrepreneur, il n’y a que par l’aspect commercial, le relationnel, le chiffre d’affaires, la démarcation dans l’offre, le lobbying de qualité, le non-isolement, l’acceptation de se faire accompagner par des autorités locales et de se faire identifier par les financeurs.
Togo First : Le PND a pour ambition de transformer structurellement le Togo avec 65% des investissements qui repose sur le secteur privé. Quel est le point fort de ce programme ?
PAC : Je le trouve bien et ambitieux. A un moment, il faut le faire. On ne peut pas toujours naviguer à vue. Il faut avoir une vision. Ce que j’ai le plus apprécié est qu’ils aient réussi à définir les secteurs prioritaires en matière d’investissement. L’agriculture, les industries et les emplois, l’énergie, sont au centre des projets d’investissement.
Togo First : Pensez-vous qu’avec la mise en œuvre des axes du PND, le Togo s’inscrit dans la dynamique de l’émergence ?
PAC : La question qui se pose est juste le financement. On n’est pas encore assez financés. Il faut aller voir les investisseurs, les fonds. Il faut trouver de l’argent pour le (PND, ndlr) financer. Si on y arrive, oui on réussira. Bien évidemment, le financement seul ne fera pas l’affaire. Il faut aussi, et surtout, des hommes. Mais, le financement est capital pour la réalisation du PND. Revenant aux ressources humaines, il faut que les autorités s’entourent des gens qui savent développer une économie. C’est un métier. On aura besoin des développeurs d’entreprises et d’emploi.
Togo First : Quels sont les pièges à éviter dans la mise en œuvre du PND, selon vous ?
PAC : Le Togo a connu une période difficile des années 90 à 2000 où on était sous embargo. Nous n’avions quasiment plus de bailleurs de fonds. Tout est maintenant revenu dans l’ordre. Le dialogue a été renoué. Il faudra donc continuer à travailler dans ce sens, pour que cela ne s’arrête pas et que les financements affluent.
Il y a déjà des réformes, avec l’amélioration du climat des affaires et tout ce qui va avec pour rendre le pays attractif. Il faut poursuivre et accentuer les efforts. Ne pas casser la dynamique en retournant dans les crises. A chaque crise, il faut reconstruire ce qui a été cassé, remobiliser la population, les bailleurs, les énergies et tout. Il faut de la stabilité pour construire sur la durée. Il y a souvent eu une crise de confiance entre la population et le gouvernement. Si elle (Confiance, ndlr) revient, tout ira bien.
Togo First : Vous parliez des réformes du climat des affaires. Pensez-vous que les prestations fournies par l’administration publique se soient améliorées ces dernières années ?
PAC : Pour être honnête, nos services publics ont évolué grâce à la dynamique de l'amélioration du climat des affaires. Grâce aux réformes, on peut désormais créer facilement et simplement une entreprise. Aujourd’hui, on peut rencontrer plus facilement les autorités pour échanger sur les possibilités d’investissement.
Néanmoins, c'est important que la paix individuelle revienne afin que chaque Togolais puisse accompagner le Togo vers l'émergence économique. Sans l'économie, la société n'est rien. Sans l'homme, la société n'est rien.
Le travail du ministre Johnson (Sandra Johnson, ndlr) au secrétariat en charge du climat des affaires, dans ce sens, est innovant, nécessaire et tendance. Elle et son équipe arrivent à concilier le développement des affaires avec une certaine éthique. Des ambitions et paris à encourager.
Togo First : Quels sont vos prochains défis au Togo ?
PAC : L’association Togo-Val d’Oise et Rhône-Alpes va accompagner les opérateurs économiques togolais à nouer des relations d’affaires, intensifier ses activités et profiter des opportunités issues du forum. Nous comptons faire venir des investisseurs français au pays et aller, avec d’autres, dans la mesure du possible, dans l’hexagone. Nous allons surtout développer le commerce équitable, un concept qui promeut des échanges honnêtes et valorisants entre les différents partenaires.
Interview réalisée par Fiacre E. Kakpo
Le 22 février 2018, Téolis se lançait sur le marché togolais, mettant fin à plusieurs années d’attentisme aux relents suspicieux. Un nouvel opérateur est né. Sur ses épaules, les attentes d’un marché atypique, capricieux, mû par un seul espoir : voir la connectivité internet et les coûts s’améliorer. Que ne donnerait-il (marché) pour surfer sur le « haut et le très haut débit », tant le concept est placardé, parfois vendu vainement pour servir les insatisfactions ? Le Pari d’un nouvel opérateur est risqué à court terme et Michel Bagnah (photo), grand manitou des Télécoms dans l’Hexagone, le sait, mais foncera tête baissée. Au détour d’un après-midi vernal, Togo First a croisé son chemin. Interview exclusive avec Michel Bagnah, Président du Conseil Administration de Téolis SA.
Togo First : Il y a un an, Téolis faisait son entrée sur le marché togolais des FAI. Que vaut-il aujourd’hui? Quel bilan peut-on dresser de ses activités ?
Michel Bagnah (MB) : En effet. Il y a un an, nous avons été les premiers à démarrer nos activités et les seuls à respecter le délai de lancement strict de 9 mois (GVA et Téolis, à l’obtention de la licence en juin 2017, s’étaient engagés à démarrer leurs activités sous neuf mois, NDLR). Aujourd’hui, Teolis a pris pied sur les différents marchés, à savoir : les entreprises, le grand public et l’international.
Les entreprises apprécient nos offres pour leur fiabilité, leur stabilité et aussi le caractère symétrique de nos installations. Vis-à-vis d’elles, nous avons une position de partenaire, et non pas que de fournisseur de tuyaux, avec ouverture sur une large panoplie de services à forte valeur ajoutée.
Le grand public a été lancé en décembre 2018 et est aujourd’hui déployé dans quasiment tout Lomé, et nos clients sont satisfaits de la promesse tenue quant au débit annoncé, et de son caractère symétrique. Certains nous trouvent cher mais c’est parce qu’ils philosophent sur les débits annoncés au lieu de comparer les débits réellement délivrés.
Enfin, l’international est également largement amorcé en collaboration avec notre partenaire stratégique, c’est-à-dire l’opérateur national.
Togo First : Vous avez lancé fin 2018 l’offre forfait Dream pour les ménages et les start-up. Les frais d’installation fixés à 80 000 FCFA pour des forfaits mensuels allant de 20 000 à 59 000 FCFA. A côté, GVA fournit son box (fibre optique à domicile) de 33Mbps à 30 000 FCFA pour l’installation et 30 autres mille par mois pour le forfait. Comment s’en sort-on sur un marché aussi compétitif avec des multinationales comme Vivendi qui surfent sur leurs expériences dans d’autres pays africains et surtout la présence et la connaissance du terrain de Canal+?
MB : Je vous recommande de revérifier les retours d’expériences africaines auxquelles vous faites allusion. Les investissements nécessaires pour mettre en place, maintenir et sécuriser des infrastructures fibrées, sont colossaux, et vont demander pas mal de temps. Il nous reste et restera encore longtemps pas mal de « délaissés de la fibre », de « déçus de la fibre » qui décident de remplacer ou backuper la fibre, malheureusement pas aussi fiable qu’attendue, en matière de qualité et de bande passante garantie, car on la partage avec tous ses voisins.
Nous prônons la diversité de sources culturelles contre l’enfermement dans une source culturelle unique qui peut être, tout compte fait, hors de prix pour le consommateur moyen. Nous sommes pour la production et la consommation culturelle locale, et nous n’avons pas peur de proposer et soutenir des schémas alternatifs aux modèles issus de l’histoire malheureuse des siècles passés.
Nous ne commercialisons pas les mêmes produits que Vivendi. Ils ont un objectif qui est le leur, nous avons le nôtre, et je pense qu’il y a de la place pour tout le monde dans l’écosystème togolais. Ils sont sur de la fibre. Parce que pour faire de l’audiovisuel, il faut faire de la fibre. Teolis par contre, est purement sur de la connexion. Nous savons répondre à des gens qui sont en ville ou dans le monde rural. Je dirai que nous sommes complémentaires et ne ciblons pas le même segment de marché.
Togo First : Faire le corporate avant les ménages. Une stratégie payante ?
MB : Cette stratégie était indispensable car nous avions besoin d’une partie des flux de trésorerie du Corporate, moins gourmand en investissement, pour financer les infrastructures grand public, nous permettant de remplir nos engagements auprès des autorités et servir le grand public sur le Grand Lomé en 2019.
Togo First : Le prix de vos offres minimum est à 20 000 FCFA. On sent un décalage entre les capacités du marché que vous ciblez et les offres que vous proposez. Vos forfaits ne semblent-ils pas échapper au Togolais lambda ?
MB : Certes, nos forfaits commencent à 20 000 FCFA, mais pour 4 Mbps. Cela veut simplement dire que le méga est à 5 000 FCFA. Avec 1Mo, vous faites déjà des mails. Nous commençons à ce prix parce qu’aujourd’hui, les gens veulent par défaut 4 Mbps. Il y a peu de clients qui demandent le Mbps.
Alors est-ce trop cher ? Aujourd’hui dans les retours clients, à qualité équivalente, ce n’est pas cher.
La question sera peut-être mise en réflexion quand nous aurons fini d’installer les clients qui payent 20 000 FCFA. Actuellement, il y en a beaucoup qui souscrivent. Il y a de très bons retours. Les abonnés sont contents. Les clients qui sont prêts à payer 20 000 sont assez nombreux. Notre préoccupation est moins de baisser les prix que de nous déployer sur tout Lomé et d’être sûrs que tous les quartiers sont bien desservis. Tout Lomé y compris la périphérie. Parce que c’est bien plus là-bas que la demande est forte.
Togo First : Vous confiez à la presse un plan d’investissements de 3 milliards FCFA sur les cinq prochaines années. Où en est-on dans sa réalisation ?
MB : On est déjà dans le plan. Nous avons prévu d’investir progressivement. A ce stade, nous avons mis en place un centre réseau. On a deux nœuds, un dédié aux entreprises, le second au grand public. Nous avons installé des secteurs dédiés aux entreprises au niveau de notre centre technique. Il y a aussi quatre secteurs dédiés au grand public
Dans la région de Zanguéra on a installé un Pop (point de présence) et aussi à Agoè, pour couvrir toute cette partie de Lomé. Celui de Baguida est en cours. Une fois achevé, tout le Grand Lomé serait couvert.
C’est un premier niveau d’investissement. Téolis a aussi beaucoup investi en logiciels en interne pour piloter ses activités, les activités Télécoms étant très coûteuses. Vous n’êtes pas sans savoir que le paiement de la licence d’exploitation en tant qu’opérateur n’était pas donné. Toutes ces dépenses font partie du plan d’investissement qui va s’accélérer.
Ce qui reste à faire, c’est surtout l’intérieur du pays. L’engagement de couvrir l’intérieur du pays reste entier. Il reste aussi à ajouter des services à valeur ajoutée qui sont demandés par nos clients. La télésurveillance par exemple, des packages Microsoft, de la cybersécurité, nous sommes pas mal sollicités sur ces segments.
Nous travaillons également sur l’observatoire de la transformation digitale. De quoi s’agit-il concrètement ? Avec l’observatoire, nous proposons aux entreprises de se faire benchmarker par rapport à leur niveau de transformation digitale pour voir si elles sont en retard, au bon niveau ou en avance. On fait ensuite des recommandations pour les amener à atteindre la moyenne de la transformation digitale des entreprises togolaises. C’est un projet que nous pilotons en partenariat avec le magazine Cio-Mag.
Togo First : Microsoft, conseil en intégration digitale…Visiblement, Téolis semble glisser du terrain de la fourniture d’internet pour des activités de consulting
MB : Teolis n’a pas pour objet d’offrir des activités de conseil mais reste à l’écoute de ses clients afin de mobiliser son réseau de partenaires, et apporter la combinaison de réponses la mieux adaptée. Le partenariat avec Microsoft a pour but de répondre aux besoins bureautiques et collaboratifs de nos clients, en plus de la connectivité. Cela relève d’une demande de certains clients et nous permet d’apporter une réponse globale et complète.
En ce qui concerne le consulting, nous venons d’annoncer le lancement de Vitalis, une nouvelle structure en conseil et intégration digitale. Vitalis est une entreprise de droit togolais et d’actionnariat majoritairement togolais, qui aura pour vocation d’assurer des prestations de conseil et d’intégration afin d’accompagner la transformation digitale des entreprises africaines.
Elle couvre justement ce segment qui n’est pas l’activité principale de Téolis. Concrètement, Vitalis sera en mesure d’accompagner ses clients, tant sur des prestations de conseil stratégique, de conseil métier, que d’assistance au pilotage de projets de toutes sortes, et plus généralement d’assistance à la maitrise d’ouvrage. Ce qui parait encore plus intéressant, c’est l’originalité de cette entité qui repose sur une gouvernance à forte expérience acquise sur des grands projets réalisés en Europe et qui aura la charge d’encadrer et de former des consultants locaux.
Togo First : alors que vous étiez positionnés sur la technologie 4G (FH/LTE), vous annonciez il y a quelques mois un partenariat avec la CEET. Cet accord devrait vous permettre de déployer la fibre optique à Lomé. Pourquoi un tel basculement et où en êtes-vous dans le déploiement de la fibre optique ?
MB : Nous privilégions toujours la technologie FH qui offre aujourd’hui des possibilités de moins en moins éloignées de celles de la fibre. Notre partenariat avec la CEET avait pour objet de nous mettre au même niveau que nos homologues, et de répondre à des demandes ponctuelles de certains de nos clients. L’ambition n’est pas de couvrir Lomé de fibres.
Togo First : le gouvernement a lancé depuis fin 2018 l’ouverture partielle du capital de l’opérateur public. Avec votre manteau de patron de Téolis, comment appréciez-vous cette opération et que peut-elle apporter à votre start-up ?
MB : C’est une excellente initiative qui devrait donner les moyens à l’opérateur national d’accélérer la couverture du territoire par son réseau fibré, afin de permettre à des fournisseurs de services comme Teolis de partager une infrastructure plus complète, à des coûts plus optimisés.
Il y a d’autres initiatives portées par le gouvernement, qui permettront certainement d’améliorer l’écosystème. Par exemple, bien que nous n’ayons pas été impliqués dans la conception du Carrier Hotel, nous en serons potentiellement utilisateurs si les prix sont intéressants.
Togo First : Comment peut-on améliorer la qualité de l’internet au Togo ?
MB : On y travaille. Tout ne peut se faire en un jour. Je pense qu’il faut optimiser les prix d’accès à la capacité et c’est en cours. Il y a des discussions aujourd’hui. Les prix publics ont baissé mais les prix d’accès à la capacité internationale, non. Du coup, les opérateurs sont pris en sandwich. La baisse des prix favorisera plus d’investissements et de déploiements.
Il faut aussi travailler la collaboration entre les opérateurs. A Téolis, nous n’avons pas pour stratégie de faire des infrastructures, par contre on doit pouvoir partager l’infrastructure qui est faite par les autres. C’est-à-dire que si j’ai un client dans un quartier qui est fibré par Togo Telecom, je dois pouvoir passer par leur réseau pour accéder à des prix optimisés.
Togo First : Si vous deviez faire le portrait du marché togolais, du haut de vos 12 mois d’expérience, que diriez-vous ?
MB : Le marché togolais s’est significativement transformé depuis quelques années avec l’arrivée des nouveaux FAI, ce qui constitue sans discussion un premier grand succès, avec la diminution drastique des coûts de connexion. On observe également une consommation de plus en plus forte de contenus avancés, avec de nouvelles contraintes de cybersécurité, induites par le haut débit.
Nous nous adaptons donc en apportant également des contenus audiovisuels « benchmarkés » par rapport aux appétences des populations togolaises locales et éloignés, des services à valeur ajoutée, mais également un accompagnement à la cybersécurité. Nous pensons que le monde rural va se développer significativement dans les années à venir, en cohérence avec les initiatives nationales, et qu’il est important que nous adaptions nos services, à cette nouvelle demande.
Interview réalisée par Fiacre E. Kakpo
Téolis a également lancé en 2018 une fondation éponyme dont le but est de soutenir et d’accompagner des projets dans le domaine de l’Education, la Culture, la Santé, le Sport et l’Environnement et les milieux ruraux. A cet effet, le fournisseur d’accès internet consacre 1% de ses redevances au financement des projets de ladite Fondation. |
Détrôner tout simplement Maggi, le géant mondial de l’agroalimentaire et spécialement du marché des bouillons ou « cubes » comme on aime à l’appeler en Afrique depuis des décennies, c’est l’audacieux pari que s’est lancé Ajavon Ayité, jeune entrepreneur togolais en créant son bouillon Africube via son entreprise Ahoenou (« de chez nous » en mina). Présentée comme plus saine, la nouvelle alternative est composée de soja, d’oignon, de gingembre et de moutarde de Néré. Mais 02 ans après son lancement, le bouillon tarde encore à faire saliver comme espéré. Après tout, les vieilles habitudes ont la dent dure, dit-on, surtout lorsqu’elles ont littéralement fait partie de votre quotidien depuis vos premiers pas. Togo First est allé à la découverte de cette entreprise.
Togo First : pourquoi Africube, sur un marché déjà considérablement envahi par des bouillons de tout genre ?
Ayité Ajavon : Pourquoi Africube ?!? Eh bien tout est parti d’une publication sur Facebook qui a retenu mon attention. Elle parlait des « dangers des cubes Maggi »; j’ai poussé plus loin ma curiosité et mes doutes furent confortés : ces bouillons étaient dangereux pour la santé. Plusieurs questions me vinrent donc à l’esprit. Pourquoi consommons-nous des bouillons qui viennent de l’extérieur, non consommés par les populations dont sont issus ces grands groupes de l’agroalimentaire, et qui sont visiblement mauvais pour la santé, mais massivement utilisés par les Africains dans leurs sauces ?
Et on nous répète même sans cesse, publicités à l’appui, que sans ces bouillons, nos sauces ne sont pas gouteuses, il y avait un vrai problème! Le souci majeur que nous pointons est le glutamate, un exhausteur de goût, qui modifie de manière artificielle la saveur d’un aliment en donnant un message au cerveau pour lui faire croire que « c’est bon ». Le glutamate éteint de plus le mécanisme de satiété donc favorise l’obésité, le diabète, etc. Aussi il est à prendre en compte la forte concentration de ces bouillons en sel (environ 50% de leur poids net) quand on connait les dangers d’avoir un régime alimentaire trop riche en sel.
T.F : Comment est née votre entreprise ? Avez-vous bénéficié d’un accompagnement institutionnel ?
A.A : Notre société Ahoenou Sarl a été créée en novembre 2016 sur fonds propres. Elle a officiellement démarré ses activités en Juillet 2017 avec la mise sur le marché de son produit Africube. Notre équipe est composée de jeunes talents de chez nous ayant des compétences dans les domaines aussi variés que la gastronomie, l’agro-alimentaire, le commerce, le marketing et la distribution. Parlant d’accompagnement, nous avons eu la chance de bénéficier, tour à tour du soutien du FAIEJ (Fonds d’appui aux initiatives économiques des jeunes, ndlr) et de l’ANPGF (Agence nationale de promotion et de garantie de financement des PME/PMI, ndlr) dans le processus de développement de notre entité et de nos activités. Nous saisissons cette occasion pour leur témoigner toute notre gratitude.
T.F : Comment réagit le marché vis-à-vis de vos produits, quand on sait que les habitudes ont la dent dure en parlant des bouillons traditionnels comme Maggi ?
A.A : Même si la concurrence est bien installée, nous sommes les seuls à proposer un produit naturel et local. Tous les autres sont des exhausteurs de goût fabriqués à base de produits chimiques et arômes artificiels. Les consommateurs étant de plus en plus conscients de l’impact de l’alimentation sur la santé, un accueil favorable a été apporté à Africube qui aujourd’hui se positionne comme une alternative saine et locale aux cubes industriels. Même si du travail doit être encore fait pour apporter l’information à toutes les couches de la population, les réactions positives des consommateurs nous confortent dans notre mission de mettre à la disposition de nos concitoyens des produits sains, naturels et nutritifs.
T.F : Comment comptez-vous conquérir le marché togolais ? Avez-vous des partenaires sur le terrain ?
A.A : Pour conquérir le marché togolais nous comptons d’une part sur une campagne de proximité pour être plus près de la population. Quartier par quartier, marché par marché, maison par maison, nous ferons connaître Africube au plus grand nombre.
Avec les encouragemetns de Victoire Dogbé, Ministre du développement à la base, de l'artisanat, de la jeunesse et de l'emploi des jeunes.
D’autre part, nous communiquons énormément sur l’aspect santé et les avantages liés à l’utilisation de produits sains et naturels dans nos aliments. Par exemple nous mettons en avant la moutarde de néré qui est l’ingrédient star d’Africube et qui aide à réguler la tension artérielle. Actuellement nous travaillons avec des partenaires distributeurs, nutritionnistes et des professionnels de la santé.
T.F : Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés ?
A.A : Faire connaître AFRICUBE à la population togolaise, c’est là la principale contrainte. Dans le marché hyper concurrentiel des bouillons culinaires, pour se faire connaître, il faut absolument faire appel aux médias de masse comme les télévisions, radios, les panneaux publicitaires, pour diffuser notre message au plus grand nombre sur l’ensemble du territoire. Et vous pouvez facilement imaginer qu’une campagne publicitaire de cette ampleur coûte énormément. La capacité à faire face à ces problèmes financiers est notre principale difficulté.
T.F : Et en chiffres, Africube, ça donne quoi ?
A.A : 18 employés, plus de 2 000 000 sachets sticks vendus, plus de 8 pays où le bouillon est distribué (Togo, Benin, Mali, Ghana Burkina, France, USA, entre autres, ndlr) et plus de 50 points de distribution.
T.F : Quelles perspectives ?
A.A : A long terme notre objectif sera d’abord de conquérir la sous-région puis l’Afrique tout entière. Ensuite, nous exporter dans le monde entier, quoi que cela se fasse déjà mais à très faible fréquence. Nous envisageons également de nous lancer dans la fabrication d’autres produits alimentaires locaux et sains.
Interview réalisée par Octave A. Bruce
« Inventif », « innovant », « pratique » et surtout « écolo », les qualificatifs ne manquent pas à la vue du Civic Bag, le sac écologique togolais entièrement recyclé, fait à base de papier ciment. Devenu personnalisable, avec plus de sept tailles différentes selon l’usage souhaité, le sac est sans doute le symbole le plus palpable de la contribution des entrepreneurs togolais au bien-être économique et social. Togo First est allé à la rencontre de son père, Achille Noussia (photo à droite) qui a accepté de retracer l’histoire de ce produit innovant, outil commercial et publicitaire.
Interview.
Togo First : comment a démarré l’aventure Civic Bag ?
Achille Noussia : Elle a démarré le 16 décembre 2016. Le concept au départ était plus une contribution citoyenne destinée à trouver une solution sinon une alternative durable à la problématique des sachets plastiques non-dégradables qui abondaient à chaque coin de rue.
Nous sommes donc partis avec une matière première que beaucoup de Togolais connaissent, le papier ciment. On pouvait choisir une autre matière, disons plus propre, mais il fallait quelque chose qui frappe, qui retienne l’attention, qui a une histoire avec le citoyen. C’est là que l’idée de choisir le papier ciment, utilisé depuis toujours par nos mères pour emballer nos beignets, galettes, brochettes et autres aliments, a germé. Du coup, le défi était plus, de redonner une autre image de ce papier ciment. Il fallait le personnaliser, lui ajouter une plus-value et montrer aux gens que ce que l’on pouvait faire avec le papier utilisé pour confectionner des sacs, on pouvait le faire aussi avec du papier ciment.
Nous avions donc commencé et nous faisions notre com sur les réseaux sociaux. L’année suivante, l’équipe s’est agrandie et nous travaillions ensemble sur les quelques commandes que nous recevions. Ce n’était pas vraiment ça mais bon…
T.F : avez-vous obtenu un appui institutionnel ?
A.N : je suis allé voir le ministre de l’Environnement (André Johnson, ndlr) pour lui présenter le concept et lui expliquer que c’était une participation citoyenne. Il s’est montré émerveillé et a encouragé l’initiative.
Je me suis également approché de quelques chancelleries et représentations diplomatiques basées à Lomé pour leur présenter le produit. J’ai été reçu par l’ambassadeur d’Allemagne avec qui j’ai pu échanger.
En mars ou avril 2017, j’ai été contacté par un ami qui m’informait de la tenue d’une compétition pour entrepreneurs à Lomé et qui souhaitait que je participe. Il s’agissait du concours de start-up organisé dans le cadre du Forum international pour le développement (FIDEA 2017).
C’est vrai qu’avant de me lancer dans l’aventure Civic bag, j’étais déjà entrepreneur. J’avais une petite structure qui évoluait dans le marketing. Je collaborais également avec des amis sur Civic Lab, une initiative destinée à développer des solutions tech. J’ai donc participé à ce concours et quelques temps après, on m’a annoncé que je faisais partie des 10 meilleurs sélectionnés pour une séance ultime de pitch à l’issue de laquelle, le vainqueur serait choisi. Ainsi le 26 mai 2017, nous avons été sacrés lauréats de ce prix. Il n’y avait pas de récompense en espèces mais un accompagnement en communication et en coaching. C’est ce qui nous a vraiment lancé parce que j’avais certes foi en ce projet, mais je n’avais pas prévu un développement aussi rapide.
D’autres prix ont suivi, notamment le Forum socio-économique pour le développement (FOSED-kpékpé 2017), le Prix jeune entrepreneur influent de l’année 2017, etc.
T.F : 2018, l’année de la confirmation ?
A.N : Effectivement. Les commandes pleuvaient. Les gens ne voulaient plus seulement du papier ciment mais aussi d’autres types de sacs et là, nous avons repensé un peu notre business model. Nous personnalisions désormais les sacs, nous refaisions carrément le design. Nous en faisions donc pour des salons thé ou des boulangeries, et des sacs en couleur avec des motifs.
T.F : comment Civic Bag se fournit-il en papier ciment ?
A.N : Nous nous approvisionnons auprès des maçons constructeurs, des briqueteries, et auprès des particuliers qui en disposent. Nous sommes en bons termes avec les différents acteurs du recyclage mais nous n’avons pas encore un partenariat formel avec eux.
T.F : comment se passe la transformation du papier ciment en sac? Décrivez-nous le processus.
A.N : Après la collecte du papier ciment, nous procédons au traitement. On fait ensuite la coupe des plans qui doivent servir à faire le sac. Si le sac est à personnaliser, on procède à l'impression. Après cela, on procède au façonnage et à la finition enfin.
T.F : 2 ans après le début de l'aventure, que donne Civic Bag en chiffres ?
A.N : En 2 ans d'activité, nous avons produit environ 44 900 sacs et emballages confondus. Nous avons recyclé 26 000 paquets de ciments. L'impact de CivicBag a permis d'épargner à l'environnement, 5 388 000 sachets plastiques non biodégradables.
CivicBag emploie de façon permanente 4 personnes et 2 autres à temps partiel. Nous avons gagné 4 distinctions.
T.F : des perspectives ?
A.N : S’équiper en machines. Notre production est encore largement manuelle et vous comprenez qu’elle nous retarde un peu alors que la demande devient de plus en plus forte. Cela augmentera la capacité de production et réduira les coûts. L’objectif est que Civic Bag soit dans tous les marchés du Togo.
Interview réalisée par Octave A. Bruce et Renaud Ayi Dossavi
Nous sommes en novembre 2017, Foire Internationale de Lomé. Le Premier ministre puis la ministre en charge du numérique, en visite sur le site s’invitent sur le stand d’une jeune équipe d’ingénieurs et de développeurs passionnés de culture générale, attirant sur ces derniers les flashes et caméras des journalistes. Après quelques encouragements et conseils prodigués, c’est le déclic. L’idée de créer un outil au service de l’éducation germe et fait son chemin. Un an après son lancement et 2000 utilisateurs plus tard, la mayonnaise tarde toujours à prendre complètement mais l’optimisme est de mise. Togo First est allé à leur rencontre. Interview.
Togo First : Zonoa, qu’est-ce que c’est ?
Joseph Kodjo Atakpa : C’est une application qui intègre les contenus du programme scolaire togolais sous forme de jeu, étalé sur des quiz et basé sur des résumés de cours. L’ensemble est validé par une équipe d’enseignants qui nous accompagne. L’idée derrière est que les jeunes, surtout des élèves, font une utilisation pas toujours idéale des smartphones aujourd’hui et laisse cela empiéter sur les cours. Zonoa vient donc concilier l’éducation et la technologie dans un environnement ludique, pour ne plus voir les smartphones comme un handicap à la réussite de l’élève. L’élève jouera en répondant au quiz qui, on le rappelle, s’inspire du programme éducatif national en cours.
T.F : D’où est venue l’idée de sa conception ?
J.K.A : Elle remonte à cinq ou six ans, alors que nous étions encore étudiants à l’école nationale supérieure des ingénieurs (ENSI-Université de Lomé, ndlr). Nous avions remarqué que pendant les activités culturelles, il n’y avait rien qui réunissait les étudiants au sein de l’école. Nous avions donc disposé des paniers dans lesquels nous avons déposé de petites questions de culture générale. Les passants étaient invités à tirer une question chacun et en cas de bonne réponse, repartir avec un petit prix.
L’engouement a été tel que nous avons décidé de le refaire l’année qui a suivi mais en y apportant des innovations. Il s’agissait désormais de s’inscrire et de défier quelqu’un. Nous avons informatisé le système et tout se déroulait en ligne et en réseau. Cela nous a poussés plus tard à développer carrément une application desktop avec laquelle nous avons initié une compétition inter-filières à l’Ensi. Nous avons donc participé avec cette application à quelques concours d’entrepreneurs et manifestations foraines où nous n’avons pas, malheureusement, été lauréats, mais où notre application a fait sensation.
C’est ainsi que plusieurs mois plus tard, nous avons été contactés par un des mentors d’un concours auquel on a participé, le concours Pépites d’Or de la Foire Adjafi. Il nous a aidé à repenser le produit et à le dédier aux élèves en changeant beaucoup de choses et le nommant Zonoa, (qui veut dire en langue locale, le surdoué ou l’intelligent dans le cadre scolaire, ndlr). Nous l’appelions « Carrefour des sciences » et c’était au début destiné de façon globale à toute la population. La nouvelle appli créée s’adressait désormais de façon distincte à 03 catégories de personnes : les élèves, les parents et « Monsieur Tout le monde ».
Pour les parents, Zonoa permet de faire le suivi scolaire, d’avoir accès à leurs performances dans telle ou telle discipline, afin de prendre des mesures d’accompagnement physique. Pour tout le monde, l’application offre de la culture générale avec un fort accent sur des questions en lien avec le Togo.
T.F : Outre l’accompagnement de ce mentor, avez-vous reçu un autre soutien ?
J.K.A : Celui d’Inov’up, une structure spécialisée dans l’incubation de jeunes startups. Nous avons été également suivis par le Centre de Gestion Agrée (CGA) pour tout ce qui est comptabilité et fiscalité. Rappelons que l’application a été développée par des étudiants de l’Ensi, au départ, auxquels se sont ajoutés plus tard d’autres personnes, donc l’équipe s’est quelque peu élargie à un moment.
T.F : Comment obtenir et utiliser l’application ?
J.K.A : Zonoa est disponible en téléchargement gratuit sur Play Store ou peut être envoyée via Bluetooth ou Xender lorsque quelqu’un l’a à côté de vous. Une fois que vous l’avez, vous vous inscrivez. Vous avez besoin de connexion internet à ce niveau pour le faire. Si vous êtes élève, vous avez droit, après l’inscription, à 03 matières avec des contenus limités. Pour avoir accès à l’ensemble des matières inscrites à votre programme, selon votre classe ou niveau, vous devez vous abonner à 200 FCFA/mois ou à 500 FCFA/trimestre. L’abonnement se fait par Flooz ou par Code.
T.F : Comment réagit le public vis-à-vis de Zonoa ?
J.K.A : Pas franchement de la meilleure des façons, enfin de celles que nous espérons. L’appli est certes destinée aux élèves mais il y a un travail à faire derrière par les parents et les responsables d’établissement, les enseignants ou tous ceux qui interviennent dans le monde éducatif.
Il faut que le parent ne pense plus nécessairement que le téléphone portable est un frein à l’éducation mais plutôt un moyen qui peut aussi aider l’élève dans son cursus. Nous allons parfois dans certains établissements scolaires pour nous entretenir avec certains responsables, pour leur présenter l’appli et parler de Zonoa aux élèves mais cela ne rencontre pas toujours un franc succès. Des fois, les responsables ne sont pas clairement intéressés. Il y a aussi certains qui vous accueillent à bras ouverts et vous font confiance.
Autre problème que nous rencontrons, celui de la connexion qui n’est pas toujours très bonne et qui altère un peu la qualité de notre travail et de nos démarches mais nous espérons que tout ira mieux bientôt. Les objectifs que nous nous sommes définis ne sont pas forcément atteints mais nous ne désespérons pas.
T.F : Quelles sont vos attentes et perspectives ?
J.K.A : Couvrir d’ici trois ans, tous les niveaux d’éducation, du Primaire en Terminale et impliquer le plus possible de personnes. Nous pensons que Zonoa peut prendre parce que certains parents d’élèves ont manifesté un vif intérêt, ce qui nous laisse à croire que si nous creusons encore plus et explorons d’autres pistes, cela permettra à nos jeunes frères et sœurs de s’amuser tout en apprenant. Cela participera à coup sûr à la formation des futurs génies de demain.
Interview réalisée par Octave A. Bruce
25 octobre 2018, Cap Town en Afrique du Sud, l’application Sos System de la startup Dashmake est lauréate du Prix Anzisha du « choix du public ». Rebelote quelques mois plus tard, en février 2019 où la même application séduit le jury du Prix Total Startupper de l’année et s’adjuge la 1ère place. La startup encore inconnue il y a un an se voit projetée en pleine lumière et veut capitaliser sur ce succès pour réaliser ses rêves de promotion d’un entrepreneuriat social, utile et innovant. Togo First a rencontré son porte-voix. Interview.
T.F : Avant de parler de votre application, présentez-nous votre startup.
Yaovi Agbewonou : Dashmake, qui pour nous veut dire « fabrique de traits », a été fondée par 4 jeunes. L’idée à la base c’était de créer une entreprise capable de développer des solutions permettant de lier les utilisateurs, un peu grâce à des traits d’union, « dash ». Au départ c’était juste un club de passionnés d’informatique que nous avons mis en place. Nous créons des logiciels et des solutions informatiques destinées aux entreprises mais aussi au grand public. Etant jeunes et dynamiques, nous avons pensé que nos solutions devaient apporter une valeur ajoutée à des secteurs restés jusqu’ici classiques, sans grande innovation technologique. C’est dans ce cadre que nous avons développé Sos System dédié à la santé, ou encore FarmApp dans le domaine de l’agriculture que nous prévoyons de lancer d’ici la fin de l’année ou début 2020 si tout va bien. Cette dernière permettra de révolutionner le domaine de l’élevage.
T.F : On va maintenant s’intéresser à l’application qui vous a révélé, Sos System. Qu’est-ce-que c’est ?
Y.A : C’est un système informatique de gestion, de géolocalisation des sinistres, destiné aux assurances et aux secours, qui résout les problèmes de prise en charge adéquate des victimes et d'informations de santé des populations.
Il est constitué de 2 applications phares, SOS Mobile et SOS Ask, plateforme de diffusion des campagnes de sensibilisation sur la santé. Il y a aussi une interface de supervision, SOS Superviseur conçue pour localiser et gérer sur une carte, les signaux émis par les utilisateurs de la plateforme mobile. Elle est dédiée aux secouristes.
Vous lancez un signal en prenant une photo de ce à quoi vous assistez et vous l’envoyez. Nous réfléchissons sur certaines améliorations qui vont se faire cette année. Nous voulons simplifier au maximum SOS et la rendre plus soft et plus facile dans son maniement. Qu’elle soit la première plateforme digitale à proposer des produits d’assurance, qui correspondent à des besoins spécifiques de nos utilisateurs. L’assureur ne présente plus un large éventail de produits, mais propose le produit qui est adapté au client qui utilise notre application. Ceci sera dans le cadre d’un partenariat avec les assureurs.
T.F : Parlons justement des assureurs. Comment perçoivent-ils votre application ?
Y.A : Nous avons travaillé en version test avec le département sinistre de NSIA-Togo, et c’est encourageant parce que l’idée en soit est innovante. Pendant longtemps, les assureurs ne sont pas arrivés à toucher le grand public. Ils ne touchent, soit que des entreprises, soit une classe aisée, mais la grande masse est encore délaissée. Après, nous allons l’étendre aux autres structures d’assurances.
T.F : Votre application est basée sur internet. Ne craignez-vous pas qu’elle ne suscite de l’engouement dans les zones à faible pénétration internet ? Le terreau est-il favorable ?
Y.A : Oui, nous pensons que le terreau est favorable. Par exemple, lorsque la version 1.0 de l’appli a été lancée, nous avons eu beaucoup de retours d’utilisateurs par rapport à l’instabilité internet, entre autres. Et aujourd’hui, la version 3.0 intègre une innovation intéressante : sans connexion vous pouvez lancer le signal et le système derrière donne aux secours vos latitudes et longitudes. Même sans photo, même sans interaction avec l’application, il y a un signal qui part et qui se retranscrit sous forme de SMS.
D’ailleurs, la version 2.0 permettait de lancer le Numéro vert automatiquement, lorsqu’il n’y avait pas de réseau. Cela vous permet d’appeler les secours.
Dans une certaine mesure, nous avons pris le Togo comme un laboratoire qui va nous permettre d’atteindre notre vision, parce que SOS n’est pas fait pour le Togo uniquement, mais pour l’Afrique et le monde. D’ailleurs notre application a cette particularité d’être répliquée très aisément dans d’autres pays. Nous sommes en train de prospecter sur les marchés en Côte d’ivoire, au Ghana, au Sénégal, au Maroc et au Gabon. Nous avons déjà entamé des discussions avec des partenaires là-bas.
T.F : Avez-vous bénéficié d’un accompagnement ?
Y.A : Oui en 2016, nous avons gagné le 2ème prix du concours AppsTogo lancé par le ministre de l’économie numérique et des innovations technologiques, et nous avons bénéficié du mentorat du Faiej qui nous a appris les rudiments de la préparation des projets entrepreneuriaux, notamment la rédaction de business plan. Aujourd’hui nous avons d’ailleurs considérablement avancé dans la recherche et la mobilisation de financement pour nos projets.
L’année qui a suivi, nous avons remporté le Prix Jambar Tech Lab qui récompense les meilleures innovations technologiques en Afrique francophone. Ce qui nous a donné droit à une incubation par le CTIC Dakar. Nous sommes l’une des rares entreprises basées au Togo mais incubées par le CTIC, qui ne prend généralement en charge que les startups sénégalaises. Si tout va bien sur le plan local avec Djanta Tech Hub, nous pourrions bénéficier de l’accompagnement et de financement à ce niveau.
« Nous voulons avoir plus de capital pour pouvoir développer de nouveaux trucs et offrir de meilleurs services. »
T.F : Quels sont vos challenges et ambitions ?
Y.A : Avoir encore plus de crédibilité et atteindre cette année 250 000 utilisateurs. Plus d’un millier de Togolais utilisent aujourd’hui SOS System. Nous pouvons y arriver même si c’est difficile. Nous voulons avoir plus de capital pour pouvoir développer de nouveaux trucs et offrir de meilleurs services.
A côté, Dashmake travaille sur deux prototypes. Un bracelet à code QR, SOS Bracelet, qui servira de carnet de santé numérique, puisque nous sommes partis du constat selon lequel il n’y a pas de carnet de santé numérique. Aujourd’hui, vous achetez un carnet, on vous fait les soins, demain vous l’oubliez, et vous en achetez un nouveau en cas de pépin. Il n’y a aucun suivi. Donc avec un bracelet connecté, à code QR, qui sera vendu dans des pharmacies, vous permettra, lorsque vous allez dans un hôpital ou dans une clinique, de faciliter les choses.
Le deuxième prototype est un système embarqué pour véhicule.
Propos recueillis et retranscris par Ayi Renaud Dossavi & Octave A. Bruce
« Difficile de faire plus direct…», penserait-on au sortir d’une discussion avec Ismael Kassime, jeune entrepreneur togolais et Co-promoteur du Label Lafiè, spécialisé dans la production et la commercialisation de produits issus du Néré, arbre aux mille et une vertus des savanes africaines. Car ce qui capte l’attention, ce n’est pas vraiment ce que deviennent les graines du Parkia Biglobosa, nom scientifique de cet arbre appelé sous divers vocables dans la sous-région ouest-africaine. Plutôt la détermination, la vision presque contagieuse et le franc-parler qui animent l’ex-pensionnaire du programme Tony Elumelu. Et de franc-parler, il en a justement fait montre dans cet entretien avec Togo First. Son parcours, Label Lafié, Néré Saveurs, écueils de l’entrepreneuriat togolais, Ismael s’est épanché… Lecture.
Togo First : Pouvez vous vous présenter ?
Ismael Kassim : Je suis Ismael Kassim, jeune entrepreneur togolais, évoluant dans l’agroalimentaire. Je suis co-fondateur avec Rachidatou Morou (photo), du Label Lafiè, une structure qui ambitionne de devenir le premier label africain de produits locaux sains et nutritifs. Nous nous sommes concentrés sur la filière Néré et nous avons lancé une gamme de produits, « Néré Saveurs », qui est un bouillon culinaire 100% naturel, essentiellement à base de Néré et d’autres épices, tous cultivé localement.
Le néré est un arbre très présent dans nos savanes et qui produit une gousse enrobée de farine jaune dans laquelle il y a une graine qui sert à faire une moutarde. Cette moutarde est répandue sous le nom « Afiti » et connue sous divers vocables dans la sous-région, « dadawa » au Ghana, « soumbala » au Burkina… En fait, elle est très prisée dans presque tous les pays de la sous-région où selon les estimations, elle est consommée par près de 200 millions de personnes. Pour cette année, nous envisageons de lancer une nouvelle gamme de produits issus du néré parce que nous avons décidé d’exploiter toute la filière en utilisant la farine jaune du Néré pour produire du jus naturel, une bouillie pour enfants et adultes, un couscous naturel, ou encore de la farine pour faire des pâtisseries. On espère d’ici 2020 attaquer d’autres marchés, notamment le marché de l’arachide.
T.F : Pourquoi avoir entrepris dans l’agroalimentaire et précisément dans la filière Néré ?
I.K : Comme tout entrepreneur, nous avons entrepris pour répondre à un besoin précis. Nous avons constaté que nous ne mangions plus du tout sainement et nous avions décidé d’y remédier. En essayant le plus possible de manger naturel, bio et sain. Nous avons donc décidé de mettre en place une structure capable d’aider à avoir une alimentation de qualité pour la population togolaise et africaine.
Pourquoi avoir donc commencé avec un bouillon industriel ? C’est parce que nous avons découvert des chiffres énormes et choquants. Je ne citerai pas de nom mais une grande marque internationale de bouillon industriel que tout le monde connaît vend 14 milliards de cubes de bouillon par an dans le monde. Et leur plus grand marché, c’est l’Afrique suivi de l’Inde.
14 milliards de bouillons, pas en argent mais en nombre multipliés par 25, vous verrez ce que ça donne. Le marché est juste énorme, et on a décidé de s’y lancer. Nos Etats perdent énormément de l’argent à laisser un filon aussi juteux à des exportateurs étrangers ou à des gros groupes industriels venus d’ailleurs.
Donc au-delà de l’aspect social de notre mission qui est d’apporter le bien-être aux gens, nous y avons trouvé une véritable opportunité économique à saisir.
T.F : Avez-vous reçu un accompagnement dans la mise sur pied de votre structure ?
I.K : Nous avons d’abord commencé sur fonds propres, début 2016, nous avons entamé une phase « recherche et développement » et produit le premier prototype avec nos moyens.
Cela nous a conduits à être finalistes pour le meilleur projet entrepreneurial en décembre 2016 avec le Forum des jeunes entrepreneurs togolais. Après ce forum qui nous a donné un peu de visibilité, nous avons initié des petites rencontres avec des amis et des amis d’amis avec qui nous avons échangé sur notre projet et notre vision. Nous avons présenté le potentiel du projet et avons demandé aux gens de nous faire des micro-prêts de 50 000 FCFA sur 06 mois. Des gens l’ont fait quasiment sans intérêt et nous, en remboursant, nous avons symboliquement ajouté 10% dessus. Donc 06 mois après, nous avons retourné 55 000 FCFA à toutes les bonnes volontés qui ont accepté de nous prêter de l’argent.
Nous avions organisé cela avec Innov’up, (une structure spécialisée dans l’incubation des jeunes start-up, ndlr). Parce qu’il faut le rappeler, après notre place de finaliste au Forum dont j’ai parlé plus tôt, nous avons été placés en incubation au niveau d’Innov’up qui était partenaire avec le forum, pendant 06 mois.
Dans la même année, on a été lauréat Tony Elumelu. On a bénéficié de la formation, l’accompagnement, et un financement de 5000 $, soit près de 3 millions FCFA. Cela nous a permis de passer un nouveau cap et de faire quelques immobilisations.
Dans la foulée, nous avons été lauréat de « Finance ensemble », un site de financement participatif de l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie), ce qui a permis de faire une levée de fonds en collaboration avec « Ulule », une plateforme de crowdfunding en France. Nous avons levé 3000 euros alors que nous en voulions juste 2000.
T.F : Comment les consommateurs ont-ils réagi ou réagissent-ils actuellement vis-à-vis de vos produits ?
I.K : Nous sommes un nouveau produit et généralement les nouveaux produits ont plus de chance mourir tôt que de prospérer. On est donc allés très très doucement, en essayant de fidéliser les clients, pour après les transformer en ambassadeurs. Et les réactions ont été très positives, au Togo et surtout au niveau de la diaspora mais il reste beaucoup à faire. Aujourd’hui, nous sommes assez fiers de voir à quel point nos produits sont en train d’être consommés. Nous avons actuellement une niche propre à nous, nous savons qui sont nos clients et où ils se trouvent.
T.F : Quelles difficultés rencontrez-vous au niveau de Néré saveurs ?
I.K : La plus grande difficulté reste la même que beaucoup d’entrepreneurs ont ici, le financier. L’écosystème entrepreneurial fait trop dans la promotion du nombre plutôt que dans la qualité et cela n’aide pas toujours.
Cela va ressembler à un procès mais si vous le permettez, nous avons plein de mécanismes mis en place par l’Etat mais je remarque personnellement qu’on a plus envie d’avoir des statistiques, dire que nous avons accompagné 300, 400 ou 500 jeunes entrepreneurs. Mais combien au finish s’en sortent réellement ?
Je pense qu’il faut faire la promotion des champions, se concentrer sur des modèles économiques qui sont en train de marcher. Pour avoir vu ce qui se fait dans les autres pays, et aussi à l’intérieur du Togo, j’ai remarqué que les jeunes ont plus de respect pour d’autres jeunes qui ont réussi. Ils ont juste besoin de référence. Donnez-nous des entrepreneurs millionnaires ou milliardaires et vous verrez que la barre sera haute et l’émulation, stimulée comme jamais.
Cela s’est déjà passé au Togo mais dans un autre domaine, la musique. Le groupe Toofan est aujourd’hui une référence et inspire une jeunesse qui veut leur ressembler, faire comme eux. Lorsqu’ils passent une étape, ils entraînent une partie de l’écosystème musical avec eux. Ils peuvent faire grandir en une seule chanson ou un seul clip vidéo, le niveau national. A titre d’exemple, ils sont allés faire des clips avec de grosses firmes africaines de réalisation et juste après, le niveau des réalisateurs togolais en a pris un coup et a augmenté.
C’est ce qu’il nous faut dans l’entrepreneuriat national. On a besoin de référence. Il ne faut plus donner 2 millions à un jeune et être fier uniquement de dire qu’il l’a remboursé. Lorsque nous participons à des fora et que nous rencontrons des entrepreneurs d’autres pays de la sous-région, nous nous cachons. J’ai un ami qui fait dans l’agropastoral au Mali qui a plus de 10 000 têtes de bétail et qui se fait au moins entre 30 et 50 millions FCFA par an.
Je ne dis pas qu’on va transposer ce modèle, parce que les réalités ne sont pas les mêmes, mais comment faire pour que les entrepreneurs togolais passent un cap et arrêtent d’évoquer le financier comme principale difficulté ? Un autre exemple, le Nigéria entrevoit d’interdire des importations de concentré de tomate. Cela veut dire que les jeunes entrepreneurs qui sont dans le secteur de la tomate viennent de voir leurs possibilités d’être plus visibles sur le marché, augmenter significativement. Et il ne faudra pas s’étonner si dans quelques années, un nouvel entrepreneur nigérian devenait millionnaire ou mieux. Il ne faut plus qu’on soit sous perfusion ici mais qu’on nous apprenne la culture financière, cela permettra de ne pas tuer les initiatives.
T.F : Quelles sont donc vos perspectives à court comme à long terme ?
I.K : Augmenter notre capacité de production.
Notre objectif 2019, est de fidéliser 1000 clients pour notre nouvelle gamme que nous appelons « dosette » et qui est vendue à 100 FCFA. A terme nous projetons un chiffre d’affaire de 36 millions l’année avec ce millier de clients.
Nous voulons grandir, mais grandir au bon moment. Nous avons un plan et une stratégie pour notre entreprise et nous comptons bien le suivre. Nous sommes actuellement dans plusieurs pays de la sous-région, le Sénégal, le Bénin, le Burkina, les Etats-Unis, la France… Nous envisageons même de délocaliser notre unité de production dans les Savanes, à Dapaong plus précisément où nous avons plus de matière première.
Interview réalisée par Octave A. Bruce.
Jeune entrepreneur en informatique et patron d’une petite entreprise, SKE Group, Kiyou Ekpaou Sama s’est révélé au Togo le 15 février 2018, en lançant officiellement « Zovu », une plateforme qui se veut un accompagnateur éducatif dans un monde de plus en plus sous l’emprise des TIC. Si le nom séduit d’emblée et fait même sourire dans les écoles parce que rappelant facilement les cartouches, ou ces épreuves déjà traitées qui reviennent en examen et assurant les bonnes notes, le concept plaît et est rapidement adopté. Mieux, le modèle d’entrepreneuriat est apprécié dans la sous-région où il décroche le prix du « Meilleur Manager d’entreprise de l’UEMOA à la 4ième édition du Salon des Banques et PME de l’UEMOA en 2018 ». Zovu, MêWê Long, SKE, Togo First a fait une immersion dans son monde. Interview.
T.F. : Pour les profanes, Zovu, c’est quoi ?
K.S. : Zovu est une plateforme numérique qui permet aux acteurs du monde éducatif d’opérer un certain nombre de choses pour le bien de l’apprenant. Une sorte d’accompagnateur dans le secteur de l’excellence, un secteur où le niveau des élèves est en train de baisser sérieusement, faute de moyens adéquats pour les suivre. Zovu, c’est la façon que nous avons trouvé pour accompagner les apprenants. Et dans un monde actuel où les TIC, et les réseaux sociaux surtout, font la loi, il est très important de leur offrir la possibilité de mieux utiliser les outils numériques pour accéder à l’excellence, qui est la clé pour réussir dans la vie.
T.F. : Lorsque parlez d’apprenant, à qui pensez-vous précisément ? Elèves, Lycéens, Etudiants ?
K.S. : Ça va même au-delà des étudiants, le terme peut couvrir aussi ceux qui pour diverses raisons n’ont pas pu progresser dans leur scolarisation et se retrouvent un peu « analphabète ». A un certain moment, ces personnes cherchent également à s’insérer dans le monde d’aujourd’hui, qui demande un certain niveau éducatif. Cela dit, dans un premier temps, au niveau de notre plateforme, nous nous focalisons beaucoup plus sur les élèves, notamment, ceux du collège et du lycée. Plus tard, nous irons vers le primaire, et aussi le supérieur. Nous ambitionnons également d’offrir des programmes d’alphabétisation. Zovu se veut dans un futur proche, un moyen utile et facile d’apprendre, tout en faisant un bon usage des TIC.
T.F. : D’où est venue l’idée de créer cette plateforme ?
K.S. : Tout a commencé en 2012, lorsqu’une de mes cousines m’a demandé des épreuves du collège. Je lui ai promis de les lui trouver parce que je me disais que même si je ne trouvais pas les miennes propres, en quelques coups de fil, je les aurai par des amis, des camarades ou des connaissances. Figurez-vous que jusqu’à la fin de l’année, je n’ai pas trouvé une seule épreuve. Le plus douloureux est que ma cousine a échoué à son examen en fin d’année et a redoublé. Cela m’a profondément marqué. Je culpabilisais et je n’arrêtais pas de me répéter que si j’avais trouvé quelques épreuves pour elles, elle aurait peut-être réussi. Et en y réfléchissant, je me suis demandé pourquoi elle devrait avoir autant de mal à trouver des épreuves, et être obligée de le demander à des anciens élèves. Pourquoi n’y a-t-il pas une banque d’épreuves quelque part, un peu comme les annales qui se vendent souvent, où elle pouvait tout simplement aller les récupérer ?
Dans un monde désormais dirigé par le numérique et dans lequel l’accès à l’information est de plus en plus aisé, pourquoi les contenus locaux ne sont pas facilement disponibles ? J’ai donc pris un calepin et un crayon et j’ai commencé par élaborer un programme qui pourrait faciliter tout cela. J’ai vu un peu mon propre parcours, mes difficultés, mon entourage, mes amis dans l’enseignement, à différents niveau et j’ai fait une petite étude.
J’ai assemblé un cahier de charge, que j’ai bien structuré, et quelques années plus tard, en 2015, avec une équipe dont je me suis entouré, la version beta du logiciel a été conçue. Nous l’avons mise en exploitation pour observer les interactions et intégrer au fur et à mesure les corrections dans la mesure de nos moyens et par la grâce de Dieu, en février de l’année dernière, nous avons enfin procédé au lancement de la plateforme Zovu (qui signifie en argot scolaire de la langue mina, « épreuve déjà vue ou traitée », ndlr).
T.F : Aviez-vous au préalable une formation ou une qualification en informatique ?
K.S. : Disons que j’ai un parcours vraiment atypique. Après le bac, j’ai un peu déambulé sur le campus. « Je me suis cherché », comme on dit chez nous. Le temps passant, j’ai décidé de rentrer dans la vie active et ne plus dépendre des parents. J’ai donc enchainé les petits boulots, jusqu’au jour où un proche ayant une société dans le développement d’applications m’a proposé de venir travailler dans son entreprise. C’est là que j’ai découvert l’univers du développement et de l’informatique en général. Je n’étais pas forcément emballé mais au moins j’apprenais des choses et ça servait. Lorsque je me suis senti capable de voler de mes propres ailes, j’ai décidé de monter une structure dans le numérique parce que j’avais finalement accumulé assez de contacts et j’ai créé mon entreprise SKE Group. C’est d’ailleurs sous cette bannière qu’on a initié Zovu avec mon groupe d’amis.
T.F. : Comment ça fonctionne ?
K.S. : Il permet aux apprenants d’avoir accès aux épreuves corrigées des établissements partenaires qui sont sur la plateforme. Il y a donc les fournisseurs de contenus, les écoles, les professeurs qui veulent bien rendre accessible leur données et les utilisateurs de contenu qui sont les élèves et tous ceux qui sont intéressés par les contenus. Les professeurs sont eux aussi parfois utilisateurs de ces contenus.
Zovu en tant que structure ne crée aucun contenu. Nous sommes juste une interface qui héberge les épreuves que d’autres viennent consulter et utiliser. Maintenant Zovu compte offrir d’autres services. Nous ne concentrons plus uniquement sur la plateforme, parce que nous nous sommes rendu compte au bout de deux ans de phase pilote qu’au-delà de la plateforme elle-même, il y a pas mal de chose qu’il faut faire en amont.
Au niveau de notre entreprise, il n’était pas logique de commencer simplement avec cette plateforme pour être viable, parce qu’économiquement on ne peut pas tenir, surtout si l’on devait seulement compter sur les entrées liées aux fonctionnalités qu’on a développé.
La pénétration d’Internet au pays n’est pas encore optimale et nous risquons de n’offrir des services qu’à une frange d’élèves. Vu que nous comptons à un moment rendre payants quelques services.
Nous développons donc actuellement d’autres stratégies, qui vont, tout en nous rendant plus visibles, permettre de poursuivre notre idéal qui est de voir le maximum d’apprenants ou de personnes dans le secteur éducatif s’épanouir et réussir.
D’où le concours « MêWê Long » par exemple, le « Tableau d’honneur », le « Meeting exam sport », activité que nous allons lancer bientôt et qui permet aux élèves qui ne pratiquent pas de matières sportives le long de l’année, faute d’installation sportives ou de personnel dans leur école, de bien se préparer pour leur examen sport.
Nous prévoyons également un Forum d’Orientation des apprenants, pour informer ceux qui sont en classe d’examen, et leur donner des conseils utiles afin de mieux s’orienter une fois à l’université.
T.F. : MêWê Long, on en parle ? Qu’est-ce que c’est ?
K.S. : Mêwê Long veut dire « Je suis intelligent » en Kabyè (langue du nord du pays, ndlr). C’est un concours qu’on organise via la plateforme, pour permettre à des élèves qui sont bons dans leur matière de base, mais pas dans toutes les matières, d’être récompensés. Notre système est tel qu’il fait la promotion de ceux qui sont juste excellents dans tous les domaines. Nous nous voulons détecter les cracks, disciplines par disciplines, surtout scientifiques.
T.F. : Est-ce que vous bénéficiez d’un accompagnement, des partenaires ou des sponsors ?
K.S.: Oui nous avons quelques partenaires qui nous accompagnent au niveau de quelques activités comme Mèwê Long par exemple. Nous avons des sociétés comme Teolis, la DOSI (délégation à l’organisation du secteur informel, ndlr), T-Oil, Ogar Assurance qui ont décidé de nous accompagner. C’est le lieu de leur dire Merci.
Mais le défi est important et nous profitons de votre canal pour lancer un appel aux sponsors ou aux entreprises qui voudraient bien s’impliquer dans le secteur de l’éducation. Nous envoyons des centaines de courriers mais nous n’avons pratiquement pas de retour donc c’est un peu difficile de concrétiser notre vision.
T.F: Quelles sont vos ambitions ou vos perspectives pour le futur?
K.S.: Jusqu’à la fin 2019, l’objectif est de se déployer à l’extérieur et essayer notre modèle aussi là. D’ici là, nous voulons avancer encore un peu plus, mettre Zovu dans les habitudes. Il y a des opportunités qui s’offrent à nous et nous pensons qu’elles vont nous aider à mieux nous développer.
Zovu est le fruit d’un travail qui a commencé en 2015 et depuis tout ce temps nous avons évolué en auto financement. Bien sûr nous avons fait des progrès, gagné même un prix à l’extérieur mais il nous faut un accompagnement afin de nous permettre de sortir la tête de l’eau.
Aujourd’hui nous avons 25 établissements partenaires, 250 enseignants avec lesquels nous travaillons et près de 1000 personnes qui ont déjà utilisé Zovu. Mais pour que cela soit encore plus impactant, il faudra que les décideurs, les bonnes volontés nous accompagnent, parce que les élites qui constitueront le Togo de demain se trouvent justement sur les bancs et ils ont besoin de nous.
Interview réalisée par Octave A. Bruce