Togo First

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Au Togo, l’offre de crédit bancaire a progressé de 12 % en 2024. En effet, elle a atteint un volume de 1094,7 milliards FCFA, contre 977,3 milliards FCFA l’année précédente, selon les données compilées de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).

L’offre de crédit bancaire désigne les financements accordés par les banques aux ménages et aux entreprises pour soutenir la consommation, l’investissement ou la trésorerie. C’est, du reste, un indicateur important de la santé économique d’un pays ; elle traduit notamment la politique monétaire en vigueur, la confiance des prêteurs et la dynamique générale de son secteur financier.

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Ainsi, pour le pays, son évolution positive marquait une reprise après le léger recul observé en 2023. Plus largement, entre 2020 et 2024, l’offre de crédit bancaire au Togo a connu une progression notable, passant de 615,8 milliards FCFA à 1094,7 milliards FCFA. Après une forte hausse en 2022, marquée par un pic à 1265,9 milliards FCFA, une légère contraction a été observée en 2023, avant une reprise en 2024 avec une croissance de 12 %. Cette évolution témoigne d’une dynamique globalement positive du secteur bancaire, malgré quelques fluctuations liées au contexte économique.

Celle-ci pourrait être portée notamment par une amélioration de la liquidité des banques, facilitée par des dépôts plus importants ou un accès accru au refinancement. Elle pourrait aussi résulter d’une baisse des taux directeurs et d’un climat économique plus favorable, incitant les banques à prêter davantage.

Cela dit, cette évolution s’inscrit dans une tendance positive à l’échelle sous-régionale. Ainsi, au sein de l’UEMOA, les hausses les plus spectaculaires ont été enregistrées en Guinée-Bissau (+205,9 %), suivie du Burkina Faso (+29,6 %) et du Mali (+22,7 %), sur fond d’intensification de la demande de financement dans ces économies.

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À l’inverse, le Niger a vu son offre de crédit chuter de 17,5 %, en raison d’un net ralentissement des prêts aux entreprises privées, aux associations et au secteur public.

Globalement, l'offre de crédit bancaire dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a poursuivi sa trajectoire haussière en 2024. Le volume global des crédits mis en place a atteint 21 558,2 milliards FCFA, en hausse de 8,4 % par rapport à 2023.

Ayi Renaud Dossavi

Grâce à une amélioration de ses indicateurs macroéconomiques et institutionnels, le Togo bénéficie désormais d’un meilleur profil de risque auprès du FMI. Une évolution qui élargit sa marge de manœuvre budgétaire, malgré une dette publique encore élevée.

Le Togo gravit une marche dans l’échelle de soutenabilité de la dette. Le Fonds monétaire international (FMI) vient de reclasser le pays parmi les États à « forte capacité de dette », contre un niveau « moyen » auparavant. Cette amélioration, entérinée dans la deuxième revue du programme FEC (Facilité élargie de crédit) publiée fin juin, pourrait influer positivement sur les conditions de financement du pays à moyen terme.

Ce reclassement repose sur plusieurs facteurs. D’une part, la croissance économique est jugée robuste (+5,3 % en 2024, +5,2 % attendue en 2025), et l’inflation reste contenue (2,6 % en avril). D’autre part, le score CPIA (Country Policy and Institutional Assessment), indicateur de qualité des politiques publiques utilisé par la Banque mondiale, s’est amélioré ces dernières années. Enfin, la reconstitution des réserves régionales de change dans l’UEMOA – qui a atteint 5,4 mois d’importations en avril 2025 – a contribué à renforcer la position extérieure du pays.

Conséquence directe : le seuil de vigilance sur la dette, qui correspond à la valeur actuelle nette (VAN) de la dette publique, est relevé de 55 % à 70 % du PIB. Selon les projections du FMI, le Togo devrait rester en dessous de ce plafond, avec une VAN estimée à 60 % du PIB en 2025, puis en recul progressif.

Le Togo obtient un peu plus d’air pour gérer sa dette. Jusqu’ici, le FMI considérait que le pays ne devait pas dépasser un certain niveau d’endettement, calculé en "valeur actuelle nette", ou VAN. Ce terme un peu technique désigne tout simplement le montant total des remboursements futurs de la dette, ramené à aujourd’hui, en tenant compte des taux d’intérêt. En clair : on ne regarde pas seulement combien le pays doit, mais combien cette dette "pèse vraiment" dans le temps.

Grâce aux progrès réalisés en matière de gestion publique, le FMI estime désormais que le Togo a une meilleure capacité à rembourser, et peut supporter une dette un peu plus importante sans danger. Résultat : le seuil à ne pas dépasser est relevé, passant de 55 % à 70 % du PIB. Ce nouveau classement permet au gouvernement de ralentir un peu le rythme des efforts budgétaires, sans sortir des clous. Le FMI a même accepté que l’objectif de retomber sous les 55 % (ancien seuil) soit reporté à 2027, au lieu de s’imposer dans l’immédiat. 

Cependant, cette bonne nouvelle ne masque pas les défis persistants. La dette publique globale s’établissait à 72,1 % du PIB en 2024, tirée vers le haut par des dépenses exceptionnelles hors budget, notamment un achat massif d’engrais (1,7 % du PIB). Par ailleurs, la part de dette à court terme sur les marchés régionaux reste élevée, augmentant les risques de refinancement. Les taux moyens sur les émissions de titres publics ont grimpé à 7,4 % cette année, contre 6,1 % sur la période 2019-2023.

Pour préserver cette dynamique, le FMI recommande de renforcer la mobilisation des recettes fiscales, de réduire les exonérations, et de poursuivre les réformes sur la transparence budgétaire et la gouvernance des entreprises publiques.

Fiacre E. Kakpo

Le plan de réorganisation opérationnelle de l’Union Togolaise de Banque (UTB) prendra plus de temps que prévu. Le FMI a accordé au Togo un délai supplémentaire pour finaliser cette réforme jugée vitale.

La restructuration complète de l’Union Togolaise de Banque (UTB), inscrite dans le programme soutenu par le FMI, ne sera pas finalisée avant fin 2026. Initialement attendue cette année, l’adoption du plan de réorganisation opérationnelle de la banque publique a été repoussée à mars 2026, avec une mise en œuvre désormais prévue pour décembre de la même année. En cause : des diagnostics jugés incomplets.

L’UTB, établissement sous contrôle public représentant près de 9 % des actifs bancaires nationaux, avait bénéficié en décembre dernier d’une recapitalisation de 15,2 milliards FCFA. Cette opération visait à porter ses fonds propres au seuil réglementaire de 20 milliards FCFA, conformément aux exigences de la Commission bancaire de l’UMOA. Si cette injection de capital a permis de stabiliser provisoirement la situation prudentielle de la banque, le FMI estime que le cœur des déséquilibres structurels n’est pas encore résolu.

« L’audit initial a mis en lumière certaines failles, mais ne permet pas encore de fonder un plan crédible de redressement opérationnel », précise le rapport publié ce mois par l’institution de Bretton Woods. Trois normes prudentielles sont toujours violées par la banque, dont le ratio de solvabilité et la concentration des risques. L'encours de créances douteuses reste élevé, bien qu’en baisse (8,6 % des actifs fin 2024 contre 13,2 % un an plus tôt).

Le FMI a conditionné la suite du programme FEC à une restructuration plus ambitieuse, fondée sur des données vérifiables. Selon le Fonds, le plan attendu devra garantir l’indépendance de la gestion, restaurer la rentabilité et réduire les risques budgétaires. Il accompagne un agenda de réformes bancaires et de gouvernance publique mené par les autorités togolaises, avec notamment une clarification en cours des passifs liés à d’anciennes banques privatisées et un meilleur reporting de la dette des entreprises publiques.

« Cette prolongation de calendrier ne remet pas en cause l’engagement du gouvernement à assainir le secteur », commente une source gouvernementale. Les autorités se veulent rassurantes, insistant sur le fait que les fonds injectés dans l’UTB n’ont pas été dilapidés, mais doivent désormais produire des effets durables en matière de transformation opérationnelle.

La réforme de l’UTB s’annonce donc comme un test de crédibilité budgétaire à l’heure où le pays veut concilier soutien à l’économie, consolidation fiscale et réduction des vulnérabilités du secteur public.

Fiacre E. Kakpo

Comme annoncé il y a quelques semaines, Ecobank Transnational Incorporated (ETI), la Holding Bancaire basée à Lomé, a lancé mercredi 9 juillet 2025, une opération de levée de fonds à hauteur de 250 millions de dollars US, à travers un placement privé d’obligations convertibles de type Tier 1 (AT1). 

Approuvée en AG par les actionnaires fin mai, l'opération vise à renforcer les fonds propres du groupe, améliorer sa résilience financière et soutenir son expansion sur le continent.

Présent dans 35 pays d’Afrique subsaharienne, Ecobank entend ainsi consolider sa capacité à financer des segments clés comme les PME, les particuliers et les États, tout en poursuivant ses investissements dans l’innovation digitale. 

Cette opération intervient dans un contexte où la banque affiche une bonne solidité financière (1,18 milliard USD de fonds propres consolidés fin 2024), malgré certaines vulnérabilités régionales.

Avec ce nouveau levier, conduit par Renaissance Capital Africa, ETI veut conforter sa position de leader bancaire panafricain, dans un environnement concurrentiel et soumis à des exigences prudentielles accrues. 

La mobilisation de fonds, qui s’étendra sur dix jours, complète deux opérations précédentes totalisant 525 millions USD réalisées en moins d’un an.

Ayi Renaud Dossavi

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Au Togo, le ministre de l’Aménagement du territoire et du Développement des territoires, Joseph Gomado, a procédé à la fin du mois de juin 2025 au lancement officiel de la mise en œuvre de 23 microprojets répartis dans dix communes du pays. Ces initiatives, axées sur les infrastructures socioéconomiques, l’assainissement et la préservation de l’environnement, bénéficient de l’appui technique et financier de la coopération allemande à travers la GIZ, à hauteur de 168,85 millions FCFA.

Les communes bénéficiaires sont Oti Sud 1 (Savanes), Dankpen 1 (Kara), Mô 2 et Blitta 1 (Centrale), Est-Mono 1, Haho 1 et Agou 1 (Plateaux), ainsi qu’Avé 2, Vo 2 et Lacs 1 (Maritime). Cette opération marque le lancement de la phase de mise en œuvre des Plans de Développement Communaux (PDC), élaborés dans le cadre de la Feuille de route gouvernementale 2020–2025.

Selon le ministre Joseph Gomado, ces microprojets visent à « renforcer les capacités locales, améliorer l’accès aux services essentiels, promouvoir l’entrepreneuriat local et favoriser une gestion plus participative et transparente des ressources ».

Le processus sera progressivement étendu à cinq autres communes pilotes, avant une généralisation à l’ensemble des collectivités locales du pays.

Esaïe Edoh

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Au Togo, les filets reprennent du service. Depuis hier 10 juillet 2025, la pêche artisanale est de nouveau autorisée sur les côtes togolaises, après un mois de repos biologique. La mesure annuelle visait à préserver les ressources halieutiques tout en garantissant la durabilité économique du secteur. 

En revanche, la pêche industrielle restera suspendue jusqu’au 31 août, conformément au dispositif national en vigueur.

Cette reprise progressive s’inscrit dans la volonté des autorités togolaises de concilier gestion durable des écosystèmes marins et soutien aux activités économiques locales. Le ministre d’État, Damehame Yark, a salué l’implication des pêcheurs artisanaux et des coopératives, acteurs clés d’un secteur qui fait vivre des milliers de foyers le long du littoral.

Rappelons du reste que le repos biologique s’inscrit dans le cadre des engagements du Togo en matière de lutte contre la surexploitation des ressources dans le Golfe de Guinée.

La capitale togolaise, Lomé, a accueilli le jeudi 10 juillet 2025, la première réunion de l’année des ministres de la Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances (CIMA). Cette rencontre a réuni les responsables du secteur pour faire le point sur plusieurs dossiers relatifs au développement du marché des assurances dans l’espace ouest-africain.

Les travaux ont porté principalement sur l’examen des rapports des précédentes sessions, ainsi que sur l’état de mise en œuvre des recommandations formulées au cours des réunions de 2023 et 2024. L’ordre du jour a également inclus un point sur les rapports du Conseil régional de contrôle des assurances (CRCA), de même qu’un passage en revue des textes relatifs à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Pour Alousséni Sanou, ministre malien de l’Économie et des Finances et président en exercice de la conférence des ministres de la CIMA, l’adoption des rapports examinés marque une étape importante dans le renforcement de la sécurité des assurés. « Il s’agit de textes visant notamment à réduire les délais de règlement des sinistres, en particulier dans le domaine de l’assurance-vie. Nous avons également abordé des questions relatives à la qualité du portefeuille actuel des compagnies d’assurance opérant sous l’égide de la CIMA », a-t-il précisé.

Pour rappel, la Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances (CIMA) est l’organe de régulation et de supervision du secteur des assurances dans les pays francophones d’Afrique subsaharienne. Elle œuvre à l’harmonisation des cadres juridiques et réglementaires, au renforcement de la coopération entre les États membres, ainsi qu’à la promotion d’un développement équilibré des entreprises d’assurance. 

Esaïe Edoh

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Au Togo, un nouvel institut de formation vient de démarrer ses activités. Il se propose de former les jeunes acteurs aux compétences internationales en matière de stratégie et de management. La nouvelle structure, dénommée Institut de Stratégie et de Leadership (ISL), se veut une université d’excellence, pensée pour former les futurs décideurs économiques et sociaux du pays.

Officiellement lancé le jeudi 10 juillet 2025 à Lomé, l’ISL ambitionne de devenir un pôle d’attraction pour les jeunes talents désireux de contribuer au développement du Togo à travers le prisme du leadership stratégique. « L’objectif est de former une génération de leaders prêts à porter des transformations durables », explique Sébastien Frendo, fondateur de l’Institut.

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Trois piliers structurent l’approche pédagogique de l’ISL : l’excellence académique, l’employabilité et l’ouverture internationale. La nouvelle structure, promue par Do Well Do Good (qui a appuyé la Présidence togolaise dans le cadre de ses Programmes Présidentiels d’Excellence), s’appuie sur un corps professoral composé d’intervenants issus d’institutions de renom (Harvard, HEC, Oxford, Yale…) pour offrir aux étudiants des formations aux standards internationaux, en présentiel comme à distance.

Pour sa première rentrée, prévue en septembre 2025, l’institut ouvre un Master en Stratégie, avant l’introduction ultérieure de deux autres programmes : Intelligence Artificielle et Développement Durable.

La formation, d’un coût de 3 300 000 FCFA par an (soit environ 6 600 000 FCFA pour deux ans), est soutenue par un programme de bourses ciblées, notamment pour les étudiants issus de milieux défavorisés, selon Lionel Aklikoku, directeur général de l’ISL de Lomé.

Le Togo maintient le cap en matière de réformes et de politiques publiques, selon le dernier rapport CPIA 2025 (Country Policy and Institutional Assessment) publié récemment par la Banque mondiale.

1 Tendance

6ᵉ en Afrique

Dans cette évaluation, le pays conserve une note de 3,8, au-dessus de la moyenne régionale (3,2) pour les pays de l’IDA en Afrique subsaharienne. Il reste ainsi dans le peloton de tête des économies les mieux notées du continent, occupant le 6ᵉ rang sur 40, seulement derrière des pays comme le Rwanda, le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Cap Vert et le Kenya.

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Cette stabilité s’appuie sur des réformes jugées “judicieuses” par l’institution de Bretton Woods. Parmi les points saillants, le pays d’Afrique de l’Ouest a poursuivi la modernisation de ses politiques de mobilisation des ressources, avec un plan de recettes équivalant à 0,5 % du PIB annuel, et renforcé la transparence dans la gestion des entreprises publiques à travers un cadre juridique dédié.

Réformes sociales

Sur le plan social, le Togo s’est également distingué, indique-t-on, par la criminalisation de la violence basée sur le genre dans les établissements scolaires, appuyée par des mécanismes concrets de prise en charge des victimes. Ces efforts, couplés à une croissance soutenue des services financiers et à une stabilité macroéconomique, ont permis au pays de rejoindre le groupe restreint des économies africaines affichant une croissance supérieure à 6 % en 2024.

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Autre fait notable : la mise en œuvre du Programme-cadre de partenariat privilégié (CPP) pour simplifier le commerce et le dédouanement. Un cadre qui veut renforcer l’efficacité économique et l’attractivité du climat des affaires.

Pour rappel, en 2024, le Togo consolidait déjà ses efforts en matière de gouvernance en marquant une hausse de 0,1 point par rapport à 2023, un score le plaçant alors dans le Top 5 africain sur 39 économies évaluées. Le pays occupait également une position de leader en Afrique de l’Ouest et centrale, à égalité avec la Côte d’Ivoire et devant des économies comme le Sénégal, le Burkina Faso ou encore le Nigéria.

A l’heure où le Togo cherche à affiner les contours de son modèle de développement par l’investissement stratégique, Togo First a rencontré Arthur Lilas Trimua, Directeur Général sortant de Kifema Capital. Quatre ans après avoir été désigné pour poser les bases de cette jeune institution, l’expert togolais quitte ses fonctions en laissant un outil opérationnel, structuré, et prêt à changer d’échelle.

Juriste et financier de formation, diplômé de HEC Paris (dont il est le Vice-Président des Alumni au Togo) et docteur en droit public de l’Université de Poitiers, Arthur Lilas Trimua  n’en est pas à sa première aventure institutionnelle. Avant KIFEMA CAPITAL, il a travaillé en France, en Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Togo, sur des projets structurants notamment dans les secteurs de l’énergie, les infrastructures et financement du développement. Fin connaisseur et expert des Partenariats Public-Privé (PPP) – Il a été l’un des artisans de la Directive UEMOA sur les PPP votée en septembre 2022 -, Arthur Lilas Trimua est aussi l’un des acteurs du dialogue entre sphère publique et finance d’impact.

À la tête de KIFEMA CAPITAL, il aura contribué à transformer ce qui n’était encore qu’un concept en une entité agile, dotée d’un portefeuille en croissance et d’un mandat clair : intervenir là où l’investissement privé hésite, pour catalyser des projets porteurs de souveraineté économique. Co-financement de la centrale thermique Kékéli Efficient Power (Kekeli), entrée au capital d’IB Bank-Togo, structuration du parc sportif Alea Park, incubation d’un fonds vert dédié à la transition énergétique : autant de marqueurs d’une stratégie assumée, mêlant capital patient et effet de levier public-privé.

À l’heure de passer le témoin, Dr Trimua plaide pour une vision exigeante mais audacieuse du développement économique : souveraineté énergétique, valorisation des épargnes longues, structuration du capital-investissement dans les secteurs agricoles et industriels. Dans cet entretien exclusif, il revient sur les défis relevés, les chantiers encore ouverts, les partenariats stratégiques engagés (avec STOA ou Togo Invest), et dessine les priorités d’un fonds qu’il espère durablement positionné au service de l’État stratège.

Togo First : Près de quatre ans après sa création, comment se porte aujourd’hui KIFEMA CAPITAL ?

Arthur Lilas Trimua  : Kifema Capital se porte bien. Nous avons progressivement trouvé notre place dans l’écosystème institutionnel togolais comme un véhicule d’investissement stratégique, complémentaire des outils publics existants.

J’ai été le premier à diriger cette institution, ce qui m’a placé dans une posture particulière : celle d’un précurseur. J’ai porté les fondations d’un véhicule qui, à sa création, était encore à l’état de concept. Il fallait tout construire. Nous avons donc bâti un outil d’investissement stratégique pour le Togo, en posant les bases juridiques, les processus opérationnels et une première architecture partenariale solide. La société a dû faire face, comme tout jeune fonds, à des défis budgétaires et structurels. Il a fallu asseoir notre légitimité, construire une équipe resserrée mais engagée, définir un modèle de gouvernance robuste et surtout prouver, par l’action, notre capacité à mobiliser des ressources pour des projets à fort impact.

Nous avons adopté un mode de financement pragmatique : pour chaque projet, nous réunissons les actionnaires institutionnels – CNSS, INAM, Togo Invest, CCIT – autour d’un montage spécifique. C’est une logique de « cagnotte commune », avec un plafond d’investissement par projet d’environ 10 millions d’euros. Cette limite permet de gérer notre exposition tout en assurant un effet de levier sur des projets transformants.

Si je devais résumer, je dirais que nous avons semé les graines d’une ambition plus grande. Et mon souhait, c’est que cette ambition continue de porter ses fruits, au service de l’économie nationale.

« Si je devais résumer, je dirais que nous avons semé les graines d’une ambition plus grande. Et mon souhait, c’est que cette ambition continue de porter ses fruits, au service de l’économie nationale ».

Togo First :  Quelles ont été les principales réalisations de Kifema Capital depuis sa création ?

Arthur Lilas Trimua  : Aujourd’hui, je peux dire que Kifema Capital est en train de réussir son pari. En moins de quatre ans, nous avons franchi des étapes importantes, en restant fidèles à notre mission : catalyser des investissements à fort impact au Togo. Nos réalisations s’articulent autour de trois piliers : l’énergie, le secteur bancaire, et les infrastructures à vocation économique et sociale.

Dans le secteur de l’énergie, Kifema Capital est devenu la première société privée togolaise à produire de l’électricité. Cela peut surprendre, mais c’est un fait. Nous avons cofinancé la centrale thermique Kekeli Efficient Power et investissons dans Sokodé Énergie, une centrale solaire de 62 MWc, située à Salimdè. Kifema Énergie détient actuellement 30 % du capital social de cette structure.

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C’est une étape stratégique pour asseoir une certaine souveraineté énergétique. Concrètement, chaque fois qu’un Togolais a accès à l’électricité, une part de cette lumière vient de projets dans lesquels nous sommes engagés.

« Kifema Capital est devenu la première société privée togolaise à produire de l’électricité. »

Dans le secteur bancaire, notre entrée au capital d’IB Bank-Togo (anciennement BTCI) vise à consolider l’actionnariat national, tout en dotant le pays d’outils capables d’intervenir dans les phases critiques de la vie d’une banque. Car, Lomé se veut être une place bancaire sous régionale et une place bancaire crédible doit savoir accompagner les phases de retournement des institutions bancaires, stabiliser les actifs et maintenir la confiance des acteurs du secteur. C’est ce que nous avons amorcé avec IB Bank, et que nous pourrions reproduire avec d’autres établissements à l’avenir.

Le troisième axe concerne le développement territorial. Avec Alea Park, nous avons lancé un modèle d’investissement dans des infrastructures sportives polyvalentes : un véritable lieu de vie. Ce projet, pensé pour être répliqué dans d’autres villes du Togo, symbolise notre volonté d’aller au-delà des investissements classiques. Le sport, ici, n’est pas une fin en soi. C’est un levier de cohésion, de dynamisme local, mais aussi de rentabilité maîtrisée. Nous avons également participé à la réhabilitation d’infrastructures éducatives, comme au Lycée moderne d’Adidogomé 2.

Sur un autre volet, nous sommes en phase de structuration de nos interventions dans la transformation agroalimentaire. Plusieurs entreprises togolaises sont à l’étude. L’idée est de soutenir des champions nationaux, portés par des entrepreneurs locaux, qui transforment et vendent sur le marché togolais. Notre ambition, ce n’est pas juste d’investir ; c’est d’ancrer une économie productive et souveraine, là où elle crée de la valeur.

Kifema Capital n’a pas encore levé de fonds sur les marchés, mais nous y travaillons. Nous avançons aussi avec des partenaires internationaux comme STOA, Averi Finance ou le fonds souverain d’Abu Dhabi. Là encore, notre logique n’est pas d’afficher des partenariats pour la forme, mais de les activer sur des projets concrets.

« Notre ambition, ce n’est pas juste d’investir ; c’est d’ancrer une économie productive et souveraine, là où elle crée de la valeur »

Togo First : Le modèle KIFEMA CAPITAL est-il aujourd’hui financièrement autonome ?

Arthur Lilas Trimua  : Kifema Capital a été conçu avec une ambition claire : atteindre une autonomie progressive, sans dépendre indéfiniment du soutien public. Aujourd’hui, nous ne sommes pas encore totalement autonomes, mais nous avons déjà franchi des étapes importantes.

Nous bénéficions toujours d’un appui ponctuel de nos actionnaires institutionnels, mais ce soutien est désormais ciblé, projet par projet. Notre modèle repose sur une hybridation des ressources : d’un côté, les retours sur investissement de nos prises de participation — notamment dans l’énergie ou la finance — et de l’autre, la mobilisation directe de fonds auprès d’investisseurs publics ou privés, en fonction de la nature de chaque opération.

Nous avons également amorcé des discussions pour faire entrer de nouveaux partenaires dans le capital de certains compartiments thématiques, notamment dans le domaine de la transition énergétique. À terme, notre objectif est de faire de Kifema Capital, un véritable fonds de portage stratégique, capable de structurer, d’investir, puis de sortir avec un retour suffisant pour réinvestir ailleurs. Le chemin est encore devant nous, mais la trajectoire est bien engagée.

Togo First : Est-ce qu’éventuellement, KIFEMA CAPITAL pourrait évoluer vers un modèle de Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) à la togolaise ?

Arthur Lilas Trimua  : C’est une question légitime, et je dirais même stratégique. Aujourd’hui, le Togo ne dispose pas encore de véhicule centralisé capable de capter, sécuriser et faire fructifier durablement les excédents de liquidités — je pense notamment aux fonds en déshérence, aux comptes dormants, ou à certaines formes d’épargne publique. Or, dans de nombreux pays, ce rôle est assumé par une CDC.

Kifema Capital a été pensé avec une logique d’anticipation. Nous avons structuré l’institution comme un fonds à compartiments thématiques, avec une gouvernance robuste, des mécanismes de conformité stricts et une capacité de portage stratégique. Sur le plan opérationnel, nous fonctionnons déjà comme une mini-CDC, à la seule différence que nous ne disposons pas encore de base légale pour gérer des flux de consignation ou collecter certaines ressources dormantes.

Mais si demain l’État décide d’ériger une Caisse des Dépôts et Consignations nationale, Kifema Capital est prêt à jouer ce rôle — soit en évoluant, soit en servant de socle fondateur. L’essentiel, c’est que les outils d’investissement public évoluent au rythme des besoins du pays. Et nous nous préparons à cela.

Togo First : KIFEMA CAPITAL est le bras financier de l’État dans certains projets énergétiques comme Kekeli. A l’annonce de cette centrale, on avait promis que les défis énergétiques étaient en passe d’être résorbés.  Comment expliquez-vous la persistance de la crise énergétique au Togo, malgré vos interventions ?

Arthur Lilas Trimua  : Il faut d’abord dire la vérité : il serait illusoire de croire qu’un ou deux projets, aussi stratégiques soient-ils, peuvent suffire à compenser trois décennies de sous-investissement et de réformes inabouties. La crise énergétique que traverse non seulement le Togo mais aussi les autres pays de la sous-région est avant tout systémique. Elle résulte d’un déséquilibre structurel profond entre la production locale — qui ne couvrait que 48 % de la demande en 2023 pour le Togo — et une dépendance historique à des importations régionales (Ghana, Côte d’Ivoire, Nigeria), elles-mêmes soumises à de fortes incertitudes.

Notre pays reste dépendant des importations énergétiques, notamment via les interconnexions avec la Côte d’Ivoire, le Ghana ou encore le Nigeria. Or, ces partenaires eux-mêmes sont confrontés à des tensions internes : pannes techniques, arbitrages nationaux, et parfois des dettes régionales qui rendent les livraisons incertaines.

Prenons un exemple concret : en 2023, le barrage d’Akosombo, notre principal fournisseur extérieur, a vu trois turbines sur six tomber en panne. Dans le même temps, le Nigeria a limité ses livraisons, notamment en raison d’arriérés de paiement accumulés par la sous-région. Résultat : le Togo s’est retrouvé brutalement exposé, sans solution de repli immédiate, ce qui a conduit à des délestages durant les 6 premiers mois de l’année 2023. Et cela, malgré l’existence de centrales performantes comme Kekeli Efficient Power, qui a pourtant dépassé les seuils de performance contractuels. Le problème, ce n’est pas la centrale, encore moins sa technologie, mais le combustible dont l’approvisionnement n’avait pas été anticipé et dont la fourniture à la centrale était restée aléatoire.

« Il faut d’abord dire la vérité : il serait illusoire de croire qu’un ou deux projets, aussi stratégiques soient-ils, peuvent suffire à compenser trois décennies de sous-investissement et de réformes inabouties ».

C’est justement pour répondre à cette complexité que KIFEMA CAPITAL a choisi d’intervenir comme levier, non comme substitut à la puissance publique. Nous avons structuré des projets stratégiques (gaz et solaire), nous sommes entrés dans le capital d’opérateurs pour dérisquer les financements et crédibiliser les projets, mais nous ne sommes pas producteurs ni gestionnaires du réseau. Notre rôle, c’est de préparer le terrain, attirer des capitaux, garantir une bonne gouvernance.

Mais soyons clairs : la crise énergétique au Togo appelle une réforme globale de l’écosystème, une appropriation par nos concitoyens de l’énergie comme facteur de production économique, et une coordination beaucoup plus proactive entre le ministère de l’Énergie, les opérateurs techniques, les investisseurs et les usagers.

L’énergie est un intrant transversal, tout aussi stratégique que le capital humain. Si elle n’est pas structurée durablement, elle devient un goulot d’étranglement pour toute l’économie.

Enfin, il faut aussi parler du modèle économique. Aujourd’hui, la société de distribution vend l’électricité en dessous du coût d’achat. Les subventions d’équilibre, longtemps utilisées comme rustines, ne sont plus soutenables. Il est temps d’avoir un débat courageux et incontournable sur la tarification, la fiscalité, l’efficience énergétique, et surtout sur le rôle que l’État et ses bras financiers, comme KIFEMA CAPITAL, doivent jouer dans une stratégie de souveraineté énergétique à long terme.

« Le problème, ce n’est pas la centrale, encore moins sa technologie, mais le combustible dont l’approvisionnement n’avait pas été anticipé et dont la fourniture à la centrale était restée aléatoire ».

Togo First : La centrale Kekeli ne fonctionnerait pas, selon certaines rumeurs. En tant qu’actionnaire, confirmez-vous cet état de chose ?

Arthur Lilas Trimua  : Non, ce n’est absolument pas exact. La centrale Kekeli fonctionne – et même des fois en surrégime. Nous avons dépassé les critères de performance contractuels fixés pour 2024. Le véritable enjeu n’est pas la performance technique de la centrale, mais la sécurisation de l’approvisionnement en combustible. Le contrat de concession prévoit que c’est la partie togolaise qui fournit le gaz ou les substituts comme le DDO ((Distillate Diesel Oil) ou le propane. Et lorsque ce combustible manque, la centrale est contrainte à l’arrêt, ce qui est déjà arrivé à plusieurs reprises. Ce n’est donc pas un problème technologique ou d’exploitation. Ce qu’il faut comprendre, c’est que faire tourner une centrale n’est pas aussi simple que d’allumer un interrupteur : il faut une stratégie d’anticipation, une logistique robuste, et surtout une capacité à sécuriser les approvisionnements. Ceux qui prétendent que Kekeli est un échec ignorent tout simplement ces paramètres essentiels.

« Non, ce n’est absolument pas exact. La centrale Kekeli fonctionne – et même des fois en surrégime. Nous avons dépassé les critères de performance contractuels fixés pour 2024. Le véritable enjeu n’est pas la performance technique de la centrale, mais la sécurisation de l’approvisionnement en combustible ».

Togo First : Quelles solutions KIFEMA CAPITAL envisage-t-il pour contribuer durablement à la résolution de la crise énergétique ?

Arthur Lilas Trimua  : Nous croyons fermement que la solution passera par un changement d’échelle et d’approche. Il ne suffit plus d’ajouter quelques mégawatts de capacité ici ou là. Il faut réinventer le financement, la gouvernance et la structuration des projets énergétiques, avec une vision de long terme. C’est dans cette logique que nous avons lancé un véhicule dédié aux énergies renouvelables, baptisé Kifema Énergie, pour isoler les investissements « verts » et leur donner une meilleure lisibilité auprès des bailleurs internationaux.

Ensuite, nous plaidons pour une intensification ciblée des investissements dans la production et la distribution d’électricité, tout en soutenant les projets d’autoproduction, notamment pour les zones hors réseau. Le potentiel solaire au Togo est sous-exploité, et l’autoconsommation peut jouer un rôle de désengorgement stratégique.

Mais au-delà des projets ponctuels, notre ambition est d’œuvrer à la mise en place d’un Fonds souverain vert national, adossé à des ressources extra-budgétaires — redevances minières, dividendes publics, redevances concessionnelles fléchées. Ce fonds permettrait de financer la transition énergétique de manière pérenne, sans alourdir la dette publique ni dépendre exclusivement de l’aide extérieure.

Enfin, nous voulons continuer à jouer notre rôle de catalyseur : en entrant tôt dans les projets, en dérisquant les opérations, en mobilisant l’épargne nationale. L’objectif, à terme, est clair : construire un écosystème énergétique plus résilient, moins carboné, et financièrement soutenable.

Togo First : Pourquoi avoir créé Kifema Énergie, alors que Kifema Capital investit déjà dans le secteur énergétique ? Est-ce nécessaire ? Vous vous lancez là dans une activité particulière de gestion de fonds de fonds.

Arthur Lilas Trimua  : C’est une question que nous avons anticipée dès la conception de notre stratégie. Il faut comprendre que le secteur de l’énergie est aujourd’hui traversé par des tensions réglementaires, géopolitiques et financières profondes, notamment en lien avec la transition énergétique. De plus en plus, certains investisseurs institutionnels — notamment européens — posent des conditions strictes sur la nature des projets qu’ils financent. Le gaz, par exemple, que nous considérons ici comme une énergie de transition, est exclu de certains portefeuilles dits « verts ».

Créer Kifema Énergie, c’est donc avant tout une réponse stratégique à cette segmentation croissante du marché de l’investissement durable. Il s’agit d’un fonds spécialisé, dédié exclusivement aux énergies renouvelables dites “pures”, comme le solaire ou l’éolien, afin de ne pas mélanger dans un même véhicule des actifs “carbonés” et d’autres plus verts. Cette séparation est essentielle pour attirer de nouveaux partenaires, comme des industriels, des cimentiers, ou même des acteurs publics, qui souhaitent s’aligner avec des critères ESG rigoureux.

C’est aussi un levier pour renforcer notre base en equity locale, condition indispensable pour accéder ensuite à des financements internationaux plus compétitifs. Enfin, Kifema Énergie permet une plus grande lisibilité de nos engagements dans la transition énergétique, tout en maintenant, via Kifema Capital, notre capacité à intervenir dans des projets énergétiques plus larges, y compris à base de gaz, si cela répond à un impératif de souveraineté énergétique du pays.

Togo First : Vous avez pris une participation dans IB Bank, une banque encore convalescente. Pourquoi Kifema Capital s’engage-t-il dans un secteur aussi sensible, alors que vos partenaires qui vous confient leur fonds comme la CNSS disposent d’une expérience historique en matière d’investissement bancaire ?

Arthur Lilas Trimua  : C’est une question légitime, et je comprends qu’elle suscite des débats. Mais il faut remettre les choses dans leur contexte. Kifema Capital n’est pas là pour concurrencer la CNSS ou l’INAM. Nous sommes là pour combler un vide. Ces institutions ont des mandats spécifiques, des obligations prudentielles, et des horizons de placement très longs. Elles agissent avec prudence, comme elles le doivent.

Cela dit, dans certains contextes spécifiques — comme celui d’une banque en redressement — il faut de la souplesse, de la réactivité, une capacité d’absorption du risque à court terme. C’est précisément là que Kifema Capital intervient. Nous avons été conçus pour être agiles, pour intervenir rapidement, dans des fenêtres où d’autres institutions — plus lourdes — ne peuvent pas toujours se positionner tout de suite.

Quand l’État s’est désengagé de la BTCI, devenue IB Bank, il fallait un acteur capable d’éviter que les intérêts togolais ne sortent complètement du capital. Or, nous parlons ici d’une banque systémique, avec 90 % de clientèle locale. Si demain, un actionnaire majoritaire décidait de se retirer, sans garantie de remplacement, qui protégerait les dépôts, qui garantirait la continuité ? Notre prise de participation n’est pas une aventure. C’est une opération ciblée, avec un effet de levier.

En entrant au capital de manière minoritaire, nous avons obtenu un droit d’information, un droit de regard, et une capacité d’alerte. C’est cela, le rôle d’un investisseur d’impact. Nous ne pilotons pas la banque. Nous sécurisons son ancrage national.

Enfin, il ne faut pas oublier que Kifema Capital est aussi un outil de confiance. Lorsque nous mettons un ticket, d’autres suivent. Et cela a été le cas dans la restructuration d’IB Bank, qui a retrouvé des résultats positifs. Certes, ils restent fragiles, mais nous avons contribué à créer les conditions d’un redressement crédible, dans un secteur qui demeure vital pour la stabilité économique du pays.

Togo First : Vous évoquez souvent la souveraineté économique, mais on vous voit peu dans des zones industrielles comme la PIA, ou dans l’accompagnement direct des entrepreneurs locaux. Pourquoi cette absence ?

Arthur Lilas Trimua  : Je comprends cette perception, mais elle ne reflète pas tout à fait la réalité de notre trajectoire ni de notre stratégie. Kifema Capital a été conçu pour intervenir en priorité là où les marchés classiques ne vont pas, en structurant des projets à fort enjeu de souveraineté — notamment dans l’énergie, les infrastructures ou le secteur financier. Ces premières années ont été consacrées à bâtir un socle robuste, crédibiliser notre modèle et attirer des partenaires institutionnels dans des projets souvent complexes, longs, parfois à haut risque.

Cela dit, nous ne considérons pas les entrepreneurs locaux comme un second front. Bien au contraire. Nous sommes en train de travailler sur des instruments adaptés pour les accompagner, car il ne s’agit pas seulement de financer, mais de structurer, d’encadrer, et de donner de la visibilité à leurs efforts. Nous réfléchissons à des modèles de « fonds de fonds » ou de compartiments thématiques qui permettraient à KIFEMA CAPITAL d’intervenir en tant que co-investisseur, voire comme accélérateur dans des chaînes de valeur industrielles ou agricoles.

Concernant la Plateforme industrielle d’Adétikopé (PIA), nous ne sommes pas encore engagés financièrement, mais ce n’est pas une fin en soi. La PIA est un outil puissant de transformation structurelle. Si les conditions de gouvernance, de transparence et de structuration financière sont réunies, nous pourrions tout à fait envisager des interventions ciblées, notamment pour accompagner les PME qui y sont implantées. Cela fait partie des discussions en cours avec plusieurs partenaires.

« Cela dit, nous ne considérons pas les entrepreneurs locaux comme un second front. Bien au contraire. Nous sommes en train de travailler sur des instruments adaptés pour les accompagner, car il ne s’agit pas seulement de financer, mais de structurer, d’encadrer, et de donner de la visibilité à leurs efforts »

Notre philosophie reste la même : nous ne faisons pas du saupoudrage. Nous intervenons là où nous pouvons créer un effet de levier réel, dans la durée. Et pour cela, il faut prendre le temps de bien calibrer les outils, d’évaluer les risques et de penser à l’impact, au-delà du simple rendement.

Togo First : Vous parlez d’accompagnement des entrepreneurs locaux. Est-ce que cela inclut aussi les agro-entrepreneurs, souvent écartés des circuits de financement structurés ? Et comment le capital-investissement peut-il s’adapter à ce secteur ?

Arthur Lilas Trimua  : L’agro-industrie est un pilier naturel de notre stratégie d’investissement à impact. Elle concentre des enjeux clés pour le Togo : sécurité alimentaire, emploi rural, transformation locale, et exportation. Mais c’est aussi un secteur mal compris par le capital classique. Le financement bancaire y reste frileux, car les modèles économiques sont cycliques, dépendants de facteurs exogènes comme la météo, la logistique ou les marchés internationaux. Le capital-investissement, bien structuré, peut justement combler ce vide.

Nous réfléchissons à des mécanismes hybrides, mêlant fonds propres, quasi-fonds propres et assistance technique. L’idée est de prendre des participations minoritaires — temporaires, encadrées — dans des PME agro-industrielles prometteuses, tout en renforçant leur capacité de gestion, leur accès au marché et leur gouvernance. C’est exactement le cœur de notre métier : catalyser, structurer, et dé-risquer.

L’un de nos projets à moyen terme est de créer un compartiment sectoriel dédié à l’agrobusiness, adossé à des partenaires spécialisés — banques agricoles, assureurs climatiques, incubateurs. Nous ne voulons pas dupliquer ce qui existe déjà, mais proposer une logique intégrée : relier production, transformation, transport et distribution, tout en gardant l’ancrage local comme boussole.

Enfin, nous discutons avec plusieurs acteurs régionaux pour mutualiser les risques et partager les bonnes pratiques. Le capital-investissement ne doit pas être un luxe réservé aux start-up urbaines ou aux grandes industries. Il peut et doit irriguer aussi l’arrière-pays, à condition d’être bien pensé, bien calibré, et de viser l’impact plus que la rentabilité immédiate.

« Le capital-investissement ne doit pas être un luxe réservé aux start-up urbaines ou aux grandes industries. Il peut et doit irriguer aussi l’arrière-pays, à condition d’être bien pensé, bien calibré, et de viser l’impact plus que la rentabilité immédiate »

Togo First : Kifema Capital a investi dans un projet appelé Alea Park, un parc sportif et culturel à Lomé. Certains observateurs s’interrogent : pourquoi un fonds d’investissement s’oriente-t-il vers ce type d’infrastructure ? Est-ce réellement rentable ?

Arthur Lilas Trimua  : Il faut d’abord déconstruire une idée reçue : la rentabilité ne se mesure pas uniquement en dividendes annuels ou en marges nettes. Nous raisonnons en création de valeur globale, c’est-à-dire à la fois financière, sociale, territoriale et même psychologique. Alea Park, c’est justement cette vision. Ce n’est pas qu’un parc de loisirs ou un équipement public. C’est une plateforme d’inclusion, un levier d’urbanisme, un vecteur d’économie locale.

Concrètement, ce type de projet permet de structurer des quartiers périphériques, d’attirer des flux, de créer des emplois directs (gestion, entretien, sécurité) et indirects (restauration, évènementiel, transport). Il redonne aussi de la dignité aux espaces publics, souvent négligés dans nos villes. Nous créons ainsi de la valeur foncière autour du parc, ce qui à moyen terme bénéficie à l’ensemble de l’écosystème urbain.

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Sur le plan financier, nous avons mis en place un modèle d’exploitation hybride. Le parc génère des revenus via des événements culturels et sportifs, des abonnements, la location d’espaces, le sponsoring ou même le naming d’infrastructures. Ce sont des recettes stables, capitalisables, avec des partenaires privés.

« Il faut d’abord déconstruire une idée reçue : la rentabilité ne se mesure pas uniquement en dividendes annuels ou en marges nettes. Nous raisonnons en création de valeur globale, c’est-à-dire à la fois financière, sociale, territoriale et même psychologique ».

Togo First : Donc vous assumez une logique de rentabilité différenciée, voire à long terme. Sauf que vos partenaires, eux, ont des exigences de rentabilité plus classiques. Comment les convainquez-vous d’investir dans des projets comme Alea Park, où la rentabilité n’est pas immédiate ou un modèle non éprouvé ?

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Arthur Lilas Trimua  : Il serait naïf de croire qu’un projet comme Alea Park rapporte comme une centrale électrique ou une participation dans une banque. Mais la rentabilité ici est diffuse et puissante : vous réduisez la délinquance par l’intégration, vous stimulez la santé publique, vous ouvrez des perspectives aux jeunes. Et surtout, vous construisez un récit collectif. Alea Park n’est pas une parenthèse, c’est un début de politique urbaine alternative, centrée sur le bien-être et la résilience.

Ce que nous faisons, c’est du capital-investissement ancré. Nous croyons à l’effet de levier social. Et je vous le dis : dans dix ans, Alea Park sera un repère structurant de Lomé, au même titre que certains équipements iconiques d’Abidjan ou de Dakar. Nous assumons cette vision, car le capital patient, intelligent, doit aussi servir à réconcilier l’économie avec la ville, la jeunesse et le lien social.

KIFEMA CAPITAL agit comme un traducteur stratégique entre des attentes de rentabilité et des besoins de transformation. Nous ne demandons pas aux investisseurs de renoncer à leurs exigences financières ; nous leur montrons que certains projets, même à rentabilité différée, génèrent de la valeur réplicable, monétisable, et surtout, moins risquée qu’il n’y paraît.

Ensuite, il faut comprendre que nos partenaires, comme la CNSS, l’INAM ou d’autres, sont aussi sensibles à l’impact de leurs placements. Ce ne sont pas des fonds spéculatifs. Ils gèrent de l’épargne sociale, des actifs longs. Ils recherchent des investissements sûrs, mais aussi des investissements utiles.

Et dans le cas spécifique de la CNSS, par exemple, investir dans un projet comme Alea Park n’est pas absurde, bien au contraire. C’est aussi une manière d’améliorer le bien-être global de la population active et de ses futurs pensionnaires. Offrir des espaces de santé, de sport, de cohésion sociale, c’est prévenir certaines pathologies coûteuses, renforcer le lien social et, à terme, limiter certaines charges structurelles du système. En somme, il s’agit de rentabilité… mais élargie au champ du social, du préventif et de l’impact intergénérationnel.

« Ce que nous faisons, c’est du capital-investissement ancré. Nous croyons à l’effet de levier social. Et je vous le dis : dans dix ans, Alea Park sera un repère structurant de Lomé, au même titre que certains équipements iconiques d’Abidjan ou de Dakar »

Togo First : Concrètement, comment sera assurée l’exploitation d’un site comme Alea Park ? Est-ce KIFEMA CAPITAL qui en assurera directement la gestion, ou une entité spécialisée qui sera-t-elle recrutée ? Et combien de centres de ce type prévoyez-vous à terme ? Seront-ils tous sur le même modèle ?

Arthur Lilas Trimua  : Nous ne faisons pas d’exploitation directe. Ce n’est ni notre vocation, ni notre avantage comparatif. Notre rôle, c’est de structurer, financer, et sécuriser les projets jusqu’à leur maturité opérationnelle. Ensuite, nous transférons la gestion à des opérateurs spécialisés, à travers des contrats de délégation de service public ou de management privé, selon les cas.

Pour Alea Park, nous avons opté pour un modèle hybride : une société d’exploitation sera créée, avec un cahier des charges précis, des objectifs de performance, et une gouvernance alignée sur les intérêts des investisseurs. Nous souhaitons éviter les dérives habituelles des structures publiques ou parapubliques sous-performantes. La priorité, c’est l’efficacité et la transparence dans l’offre de services.

Quant au déploiement, l’idée est de répliquer ce modèle dans plusieurs villes secondaires du pays : Sokodé, Kara, Dapaong, voire Tsévié ou Atakpamé. Mais ce ne sera pas du « copier-coller ». Chaque centre sera adapté à la réalité locale, à la densité urbaine, aux usages sociaux, aux potentialités économiques. À Sokodé, par exemple, le besoin est davantage lié aux équipements de football. À Kara, ville universitaire, ce sera probablement orienté vers la jeunesse et la formation sportive. On parle donc d’une trame commune — équipements sportifs, espaces culturels, services de proximité — mais avec des configurations modulables.

Notre objectif, au fond, est simple : décentraliser l’investissement structurant. Montrer qu’on peut créer de la valeur, de la cohésion et de l’activité économique hors de Lomé, avec des standards professionnels, dans une logique de retour sur investissement, mais aussi de bien public. C’est un modèle que je connais assez bien pour y avoir longtemps travaillé en Côte d’Ivoire.

Togo First : Justement, vous avez une certaine expérience en tant qu’expert du Partenariat Public-Privé (PPP), quelle lecture faites-vous des perspectives de ce modèle en Afrique ?

Arthur Lilas Trimua  : Le PPP n’est ni une mode, ni une baguette magique. C’est un outil sophistiqué, exigeant, mais redoutablement efficace s’il est bien conçu. Ce que je constate aujourd’hui en Afrique, c’est que nous utilisons encore trop souvent le PPP comme un recours de dernière minute, ou une solution d’opportunité, plutôt que comme un levier stratégique de financement et de performance.

Pour que le PPP fonctionne, il faut préparer les projets en amont avec rigueur, faire une évaluation sérieuse des risques, et surtout s’assurer que les flux de revenus sont viables sur le long terme. Ce n’est pas seulement une affaire de juristes ou de banquiers : c’est une architecture globale qui doit allier expertise sectorielle, vision économique et robustesse institutionnelle.

Mais je pense aussi que le PPP peut être un levier de renforcement de la gouvernance publique. Il impose des obligations de transparence, de suivi, de contractualisation claire. En ce sens, c’est aussi une école de rigueur pour nos administrations. Le défi pour nos États est de se doter de capacités de négociation, de suivi et d’anticipation, pour ne pas subir les projets mais les piloter.

« Le PPP n’est ni une mode, ni une baguette magique. C’est un outil sophistiqué, exigeant, mais redoutablement efficace s’il est bien conçu ».

Togo First : Il y a quelques années, vous avez annoncé un partenariat entre Kifema Capital et le fonds d’investissement STOA/ Quelles leçons en tirez-vous ?

Arthur Lilas Trimua  : La collaboration avec STOA a marqué un tournant stratégique pour Kifema Capital. Elle a permis de démontrer que notre modèle – fondé sur la rigueur, l’impact et la structuration – est crédible même aux yeux d’acteurs internationaux de premier plan. STOA est une entité soutenue par la Caisse des Dépôts française et l’AFD.

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Nous avons également développé un partenariat stratégique moins mis en avant avec le fonds Averi Finance qui est une société d’investissement dubaïote qui a reçu l'approbation de la Maison-Blanche et du gouvernement des Émirats arabes unis pour porter des co-investissements américano-Émirats arabes unis de 5 milliards de dollars dans le secteur de l'énergie en Afrique.

Par ailleurs Kifema Capital est pris en compte par le Private Equity International qui est le fournisseur mondial d'informations, d'analyses et de données pour le secteur du capital-investissement, validant ainsi les règles de gouvernance et de conformité de Kifema Capital et faisant de nous un interlocuteur sérieux auprès des investisseurs mondiaux sur la juridiction togolaise.

Ces partenariats, au-delà de l’apport en capital, ont surtout renforcé notre légitimité dans les cercles des investisseurs institutionnels.

Mais ce succès ne doit pas masquer les défis. Les partenaires internationaux exigent des garanties élevées, notamment en termes de gouvernance, de transparence et de stabilité des projets étatiques. Ce sont des standards auxquels nous nous conformons, mais qui supposent un travail de fond, notamment sur la documentation, le respect des procédures et la clarté de la vision stratégique.

Nous avons aussi appris que la réputation d’un projet ou d’un pays précédait toute tentative de levée de fonds. Il faut donc bâtir une image forte, lisible et crédible. Et cela passe par des partenariats comme celui avec STOA, Averi Finance qui créent un effet de levier. En clair : une fois qu’un acteur de référence vous fait confiance, d’autres suivent plus facilement.

« La collaboration avec STOA a marqué un tournant stratégique pour Kifema Capital. Elle a permis de démontrer que notre modèle – fondé sur la rigueur, l’impact et la structuration – est crédible même aux yeux d’acteurs internationaux de premier plan »

Togo First : Quels sont les grands défis non résolus que vous laissez à votre successeur ?

Arthur Lilas Trimua : Je préfère parler d’ambitions plutôt que de défis. Il y a d’abord la nécessité de maintenir la confiance de nos actionnaires, en particulier celle de l’État, qui reste notre partenaire stratégique. Cela implique de continuer à faire preuve de rigueur, de transparence et de constance dans la vision.

Ensuite, le chantier de l’autonomie financière reste ouvert. Kifema Capital progresse vers une hybridation de ses sources de financement, mais l’objectif d’une viabilité complète, indépendante des ressources budgétaires, n’est pas encore totalement atteint. Il faudra continuer à diversifier les levées de fonds, renforcer notre capital local, et améliorer nos capacités de génération de valeur.

Le troisième enjeu est interne : il concerne le capital humain. J’ai toujours insisté sur le fait qu’un outil stratégique ne peut être durable que s’il repose sur des compétences solides. Il faudra donc investir davantage dans la formation continue, attirer et fidéliser des talents, et structurer une culture de l’impact et de l’exigence.

« Le troisième enjeu est interne : il concerne le capital humain. J’ai toujours insisté sur le fait qu’un outil stratégique ne peut être durable que s’il repose sur des compétences solides »

Enfin, mon successeur aura la responsabilité de consolider notre position comme la première société privée togolaise à avoir investi dans la production d’énergie. Nous avons ouvert la voie ; il lui reviendra d’approfondir cette trajectoire, avec le même souci de souveraineté énergétique, mais aussi d’innovation dans les montages.

Interview réalisée par Fiacre E. Kakpo

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